La chronique littéraire sur les radios de l'Arc jurassien
Jeannette Winterson est possédée par le Démon. Du moins c'est ce que pense Mrs Winterson, sa mère adoptive, convaincue que «Le Diable les a dirigés vers le mauvais berceau». Entre une mère dépressive et théâtrale et un père gentil mais passif, Jeannette raconte son histoire.
Les nuits où elle est punie, elle les passe enfermée dehors sur le pas de la porte, ou dans la réserve à charbon. Elle va à l'Église tous les jours sauf le jeudi, fait 8 km à pied parce que le bus coûte trop cher. Elle se fait battre, devient une petite brute à l'école, et apprend à ne pas pleurer. À 15 ans, elle embrasse une fille et en tombe amoureuse. La croyant possédée, Mrs Winterson organise une séance d'exorcisme.
À la maison, les livres sont interdits, mais Mrs Winterson envoie sa fille chaque semaine à la bibliothèque lui chercher des romans à énigmes. Dans ce bâtiment d'un autre âge, Jeannette entame les classiques de la littérature anglaise, et découvre Jane Austen, qui nourrit ses premières interrogations féministes. Avec ses lectures, elle grimpe l'échelle sociale et entre à l'université, cassant le mythe d'une littérature réservée aux élites.
Le roman de Jeannette Winterson est rempli d'anecdotes tirées de son tout premier livre «Les oranges ne sont pas les seuls fruits». Mais également de sa mémoire, du regard qu'elle porte sur sa vie plus de 40 ans après les événements. À mesure qu'elle revit son enfance, Jeannette Winterson la déchiffre, l'assimile, l'englobe dans un contexte socio-politique. Elle nous parle du Nord de l'Angleterre, de la vie difficile des ouvriers, des briques rouges d'Accrington, son village, de l'origine de Manchester et de l'espoir déposé en Margaret Thatcher, première femme Premier Ministre.
Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? est un livre touchant, qui remet en question bon nombre d'idées reçues sur l'homosexualité et le fait d'être une femme qui ne se résigne pas à embrasser la condition parentale. Une condition de laquelle elle a pu s'échapper grâce aux livres et à la sexualité.
Durant toute sa vie, Jeannette recherche l'amour, avec un sentiment d'abandon qui ne la quitte jamais. Elle mène sa quête de l'amour comme un naufragé s'accroche à sa bouée, avec nécessité : «L'amour. Le mot difficile. Où tout commence, où tout revient toujours. L'amour. Le manque d'amour. La possibilité de l'amour».