Le rêveur inconnu

Avant d'être l'icône hippie hirsute aux lunettes de grand-mère et aux jeans crasseux photographiés sur la couverture de ses livres, Richard Brautigan était un marginal de la classe ouvrière d'Eugene, Oregon, remplissant des cahiers d'hommages au Rêveur inconnu et de versions rudimentaires des fables surréalistes et des épigrammes drôles et folkloriques qui allaient le faire connaître. En 1956, l'année de son départ pour San Francisco, Brautigan, alors âgé de 21 ans, a signé avec la mère d'une petite amie, d'une écriture d'écolier soignée, les droits des poèmes et des histoires qui sont publiés sous ce titre «Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus» (The Edna Webster Collection of Undiscovered Writing)

Ce recueil va de paroles d'amour ouvertement lunaires aux vignettes de rue en passant par un récit minimaliste et sinistre de son séjour dans un hôpital psychiatrique d'État. Le jeune poète prend des poses adolescentes familières, fustigeant « le conformisme et la normalité». Mais parmi les métaphores saccharinées, on peut trouver, comme le prix dans une boîte de Cracker Jack, les titres doucement ironiques en quête d'un poème :« Viande de cheval à vendre » ou des koans de pacotille:

« Question : ce poème est-il aussi beau

que deux billets de cinq dollars

frottés ensemble ? »

qui sont devenus son fonds de commerce.

Il y a aussi quelques morceaux en prose, des histoires hirsutes et improvisées qui ne sont pas vraiment des histoires et que les critiques suggéreraient plus tard de classer simplement comme des Brautigans.

Ce premier testament touchant se présente à peu près comme annoncé dans un poème intitulé

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« À vendre,

pas cher,

206 poèmes d'amour légèrement collants,

écrits

par

un poète de dix-sept ans.» 

Un autre poète de 17 ans,

dans sa bohème...

pas le même, toutefois..