Kawabata propose ici un recueil trop éthéré d'une danse dans laquelle je n'ai bizarrement pas tellement envie de m'engager.
Il s'agira toujours, dans les courtes pièces compilées dans ce livre, d'étudier la manière dont la discussion interrompue de couples révèle un problème à camoufler, qui sera escamoté par l'auteur plus ou moins pudiquement derrière la toile invariante de la nature fragilisée.
Dans le système narratif volontairement déceptif et lacunaire de Kawabata, il faut accepter d'échanger avec l'image d'une cime enneigée qui pourrait être plus belle ou d'un arbre au dépouillement négligemment effectué pour en déduire les petites défaites de l'humanité dans ses rapports interpersonnels, souvent trompeurs et imparfaits, décevants et terre-à-terre.
C'est assez intelligent dans le montage, et ça se veut d'une poésie de la continuité métamorphique assez chouette dans la manière dont ce qui ne se dit pas se fond dans ce qui se regarde se dévêtir, mais fondamentalement le cœur peine à s'y mettre parce que l'abstraction in fine nous tient toujours un peu à la porte.
Il manque à ce cœur vide juste ce qu'il faut de serrure pour complètement nous donner envie d'en forger la clef de sens, et c'est dommage.
Je retiens tout de même la paradoxale évocation fantastique d'« En silence », qui a une manière très astucieuse de faire le récit méta d'un écrivain refusant le mot dans une pièce littéraire. C'est une approche assez fine et suggestive de ce qu'il advient lorsque l'art nous excède et nous dépasse. Tournier – je crois – parlait de la publication d'un livre comme du lâcher d'un vampire, et parfois il se retourne et il mord.
Je goûte sans apprécier. Mais la facture est là.