S'il est vrai que le lecteur fidèle de Murakami est toujours avide de gros pavés de l'un de ses auteurs préférés, ses nouvelles ne sont pas non plus à dédaigner, contenant l'essentiel de son style et de son talent narratif. Ainsi en est-il de Première personne du singulier dont presque chacune des histoires a quelque chose d'accrocheur, contrairement à beaucoup de recueils de nouvelles où l'intérêt est souvent inégal selon les récits. Ce qui fait la différence, ce n'est pas l'écriture, assez sobre, mais la manière de raconter, avec cette distorsion étrange du réel, ces éléments de fantastique, d'absurde ou de loufoque qui désorientent ou enchantent dans une veine fréquemment mélancolique. C'est aussi la construction de plusieurs nouvelles qui émerveille : elles semblent avoir une première fin, où l'auteur avoue avoir probablement rêvé, avant d'ajouter quelques paragraphes qui n'ont a priori rien à voir et qui, pourtant, viennent en relancer la véracité. C'est par exemple le cas dans Charlie Parker plays bossa-nova ou encore La confession du singe de Shinagawa, le récit le plus drôle (l'humour de Murakami est toujours des plus suaves) du recueil, constitué d'une conversation avec un primate, qui raconte les choses les plus invraisemblables avant un denier passage où ses dires semblent être confirmés par une tierce personne (rassurez-vous, dans le livre, c'est plus clair et bien plus amusant). Pour tous ceux qui aiment l'écrivain japonais depuis 1990 et son premier roman en français, La course au mouton sauvage, et pour les autres qui l'ont découvert au fil des parutions, Première personne du singulier est bien entendu indispensable même si quelque peu frustrant de par sa brièveté.
Un grand merci aux éditions Belfond et à NetGalley.