Voilà un livre qui laisse perplexe et nécessitera sans doute une seconde relecture de compréhension, tant il m'a paru ardu.

Il n'y a aucun doute: Hegel est un allemand. Des phrases interminables dont on a la signification seulement tout à la fin, c'est typique.


Mais revenons sur le fond. Hegel pose ici un concept de base, la volonté, qui va servir de fil directeur pour passer progressivement de l'individu subjectif à l'Etat, incarnation de l'objectif et de l'universel. Et au passage, que de concepts abordés, avec une volonté de bien distinguer toutes les étapes! Propriété, Famille, Etat, Religion, Contrat, Travail, Société civile...


L'ouvrage se divise en trois grands chapitres, le droit abstrait, la moralité subjective et la moralité objective.



Sans revenir en détail sur chacune d'elle, voici une liste subjective de ce qu'il me parait essentiel de retenir:

- une définition de la propriété dans laquelle la reconnaissance par l'autre de ma propriété sur une chose, c'est à dire de ma volonté de prendre possession d'une chose, est l'élément clé de ma propriété, concept qui rompt avec les doctrines de la propriété du XVIIIe (le premier possesseur chez Locke par exemple) ;

- une définition du contrat qui exige d'avoir des choses pour objet et des volontés identiques pour être passé, ce qui exclut toute logique de contrat social comme origine et fondement de l'Etat ;

- un refus de considérer les sentiments et les intentions subjectives comme garantes de la moralité ou comme fondement possible de l'ordre social et donc une remise en cause de l'individualisme comme doctrine constitutive possible de la société ;

- une théorie partant du besoin subjectif de chaque individu, pourvu par le mariage et la propriété, qui aboutit à définir les relations sociales comme le coeur du fondement des sociétés et entraine, du fait de la dissolution et de la recomposition des familles par le passage à l'âge adulte, à la création de la société civile, laquelle pour fonctionner harmonieusement a besoin d'institutions capables de faire fonctionner les individus en relation - corporations pour le travail, tribunaux, ce qui conduit notamment à l'Etat. Au passage une reprise partielle de la doctrine de Smith dans laquelle les volontés subjectives de l'individu créent la richesse collective;

- l'Etat, incarnation de l'intérêt général, de l'universel et dont l'action doit notamment être porté par des fonctionnaires distincts des travailleurs ordinaires puisqu'ils oeuvrent sur l'universel. Un Etat qui interagisse avec les sciences et la religion mais en s'assurant de bien laisser trois sphères distinctes. Un Etat qui est aussi distinct de la société civile et des collectivités locales.

- l'ambiguité de l'opinion publique et de la volonté populaire, puisque par définition ce n'est ppas le peuple, mais le Prince et ses conseillers qui maitrisent l'universel a mieux mais la prise en compte des premières comme source involontaire de l'universel;

- la guerre, aspect nécessaire des relations entre Etats qui doit connaître toutefois un cadre d'action et qui permet d'identifier la force de l'Etat puisque des citoyens non prêts au sacrifice pour l'Etat signifient sa dissolution prochaine. L'a dimension hasardeuse d'une ligue cosmopolite des Nations Kantienne puisque n'ayant pas d'arbitre suprême, les Etats sont laissés à leur volonté propre pour respecter traités et convention;

- le progrès de la raison dans l'Histoire, à travers quatre phases: l'empire oriental, l'empire grec, l'empire romain et l'empire germanique chacun représentant une étape de la capacité à tendre vers une moralité objective et la recherche de l'universel.

Autant de choses et j'en oublie beaucoup qui font de ce livre une oeuvre nécessaire et un incontournable pour tout ceux qu'intéressent une critique valable des théoriciens du contrat social du XVIIIe siècle.

Reste que vu que la forme le rend ardu à lire, ce n'est vraiment pas le premier à consulter si on veut s'initier au droit, à la philosophie ou à la science politique.

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le 28 juil. 2022

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