Le livre de Politzer, derrière son titre trompeur, est un manuel de marxisme. Plus précisément, il se concentre sur la dimension philosophique du marxisme, de loin la plus importante (devant la théorie économique), qui est aussi appelée "matérialisme dialectique".
J'ai aimé ce livre parce qu'il est conforme à ce qu'il prétend être: un ouvrage de vulgarisation philosophique, censé rendre accessible à tous des systèmes idéologiques pointus. Et force est d'admettre qu'il excelle dans ce domaine : les concepts sont clairs, j'ai enfin la sensation d'avoir saisi ce qu'était vraiment la dialectique, j'ai un aperçu global de l'histoire des idées matérialistes, je me suis enfin débarrassé de mes préjugés sur la philosophie de Marx et d'Engels. Autre énorme qualité de l'ouvrage: la pertinence des citations. Elles ne sont ni trop ni pas assez nombreuses, Politzer privilégie la pertinence et la diversité des textes, et cherche à appuyer à chaque fois son propos de manière éclairante, souvent grâce à la langue didactique d'Engels.
Mais je ne peux évacuer aussi facilement les défauts de l'ouvrage, qui sont principalement d'ordre logique. En effet, les biais de l'auteur sont parfois manifestes dans sa manière de dérouler le propos, et son argumentation laisse à certains moments perplexes. Par exemple, lorsqu'ils prétend prouver la supériorité objective du matérialisme sur l'idéalisme en prenant la science comme témoin... Un idéaliste pourrait faire exactement la même chose en prenant Dieu comme preuve irréfragable. L'auteur n'admet pas qu'il n'y a pas de supériorité objective et que tout est une question de préférences émotionnelles (le matérialisme privilégiant la raison et les faits, l'idéaliste l'intuition et la croyance). Son invalidation de l'agnosticisme est aussi très fragile.
Autre exemple, Politzer prétend démontrer la supériorité des révolutionnaires sur les réformistes en s'appuyant sur un unique exemple de changement brutal dans la nature, lui permettant de déduire que ce fait isolé permet d'appuyer son idée... Alors que l'on est pas sans savoir que le changement dans la nature est généralement celui du temps long et d'une progression discontinue (voire les changements climatiques, les mouvements géologiques ou la théorie de l'évolution).