Publié en 1962, Printemps Silencieux est souvent présenté comme le livre qui a lancé le mouvement écologiste dans le monde. C'est une vulgarisation scientifique sur la biologie et une réflexion sur ce que produit l'utilisation des pesticides, sur les écosystèmes et sur l'Homme, de manière exhaustive, à une époque où des produits comme le DDT étaient utilisés en masse. C'est une lecture que je recommande vivement, principalement pour le témoignage de cette période, permettant de saisir dans quel contexte le déploiement des pesticides a pu se faire, et la critique sous-jacente d'un système de production intensif qui va droit dans le mur.
Les premiers chapitres se concentrent sur le fonctionnement des écosystèmes tels que les rivières, forêts, lacs, sols, champs…, et comment et pourquoi leur biodiversité est lourdement affectée par l'utilisation des différents pesticides. Les derniers chapitres développent les effets, directs et indirects, qu'ils ont sur la santé humaine, et quels moyens alternatifs, sans danger pour l'environnement, nous pourrions mettre en place, pour des résultats meilleurs et plus économiques.
Le style est plutôt accessible, alliant rigueur scientifique en biologie animale et humaine, et chimie, et passages plus imagés, presque poétiques, sur la beauté de la nature et où Carson nous partage son espoir d'un futur où nous cesserions de la détruire. Les chapitres sont organisés intelligemment pour rendre compte de toute l'étendue du problème, en exposant les enjeux en amont et en aval sans jamais perdre le lecteur.
Je dois reconnaître que j'ai trouvé certains passages un peu longs, surtout quand elle expose des découvertes scientifiques qui ont largement été complétées depuis la publication du livre. On ne peut cependant pas lui reprocher : Carson s'est basée sur des centaines de références (ouvrages scientifiques, conférences, études en tous genres, et témoignages) pour rendre cet ouvrage exhaustif, tout en rendant compréhensible le fonctionnement à la fois des produits phytosanitaires et des écosystèmes, même pour ceux n'ayant pas une formation scientifique.
Jusqu'à la fin, elle reste sur une vision du problème très pragmatique : j'ai vraiment apprécié qu'elle parle des solutions existantes ou en développement, faciles à mettre en œuvre, remplaçant enfin les descriptions macabres de la première partie du livre par un peu d'espoir.
J'ai ressenti, lors de ma lecture, à quel point ce livre était un combat acharné, d'une femme alors atteinte d'un cancer, contre la folie et l'inconscience de ceux qui autorisent et promeuvent l'utilisation inconsidérée des produits phytosanitaires : ce qu'elle décrit comme "la guerre de l'Homme contre la nature, et donc, fatalement, contre lui-même".