Lorsqu’un avion s’écrase en mer et que les rescapés se retrouvent sur une île a priori déserte, c’est Arto Paasilinna qui s’empare de la thématique des Robinsons dans ce Prisonniers du paradis. Bien sûr, il n’oublie pas son sens de l’humour et l’équipage va donc être particulier : essentiellement composé de sages-femmes et de solides bucherons finlandais, il y a là un cocktail détonnant.
Comme pour chaque naufrage, il y a les premiers essais pour trouver les moyens de survivre dans un milieu étranger et donc hostile. Ensuite vient la phase d’organisation et de fondation d’une société survivaliste. Et finalement, lorsque les doutes sur la localisation de l’île – et Dieu sait qu’ils auraient difficilement pu trouver pire -, ils apprennent à aimer l’endroit.
Alors ils vont balancer entre l’envie de rentrer en Europe où leurs familles pourraient encore les attendre et celle de vivre dans ce petit paradis où ils ont bâti une nouvelle vie et qui est devenu pour eux une utopie socialiste où ils s’épanouissent enfin, loin des contraintes de l’infernale quête de l’accumulation du capitalisme qu’ils ont toujours connu.
Bien plus qu’une histoire de naufragés, c’est bien celle de la construction d’une civilisation utopique qui nous est proposée dans cette fable humaniste. Le retour à la nature contre le confort du progrès, c’est là aussi une vision de ces femmes et de ces hommes face à notre société dont les valeurs sont tellement éloignées de l’humanité.
Le seul reproche qui pourrait être fait à ce texte, c’est qu’il est constitué d’une suite de mésaventures ou de références à des histoires passées. Mais il aurait peut-être été plus monotone s’il s’était contenté d’être un simple manuel de survie. La narration est d’ailleurs à la première personne au travers de la voix du seul journaliste sur l’île. A l’avance, nous savons donc déjà comment tout cela va finir, mais n’est-ce pas le voyage qui doit primer sur la destination ?