Profanes, de Jeanne Benameur, est d’abord un bon sujet posé dès ses premières pages. Une sorte de dispositif avec son cortège d’interrogations et de mystères à venir. Un homme, à l’hiver de son existence, qui engage quatre jeunes personnes qui vont devenir, à tour de rôle dans la journée, ses « auxiliaires » de vie. C’est comme une expérience scientifique, une alchimie à découvrir dans une éprouvette qui est la maison de ce vieil homme. Les liens vont se tisser, naturellement ; les secrets du passé se dévoiler, progressivement. Au fil des pages, Jeanne Benameur touche du doigt tout un tas de sujets profondément humains : les souvenirs, les regrets, les remords, la rédemption, l’espoir et le désespoir, la renaissance. Elle le fait avec de constantes références au caractère sacré de nos vies (rien à voir avec la religion) et des relations entre les êtres. D’une certaine façon, le thème principal de Profanes rappelle celui d’Ensemble c’est tout d’Anna Gavalda. Mais évidemment, le style n’est pas le même, à l’opposé, pourrait-on dire. La romancière utilise beaucoup de phrases courtes, parfois un seul mot. Comme une réflexion scandée, du slam littéraire, si l’on veut. Ca palpite, ça vibre, ça émulsionne sous la plume de Jeanne Benameur. Cependant, il y a un tel contrôle, une telle précision dans sa prose qu’on peut parfois trouver qu’il y manque un brin de spontanéité et de liberté. Il est trop encadré, trop « manigancé », ce livre, en fin de compte. Ce sentiment diffus n’empêche aucunement d’y prendre du plaisir. Profanes ne révèle pas tout, non plus, de ses personnages. Il leur reste suffisamment de pensées secrètes et de zones d’ombre pour leur laisser une part de mystère. Et au lecteur de remplir les vides, comme dans tout bon roman qui se respecte.