Laure Murat (L-M) en universitaire spécialiste de Proust, préfère de loin le ‘Proustige’ au ‘Prestige de l‘aristocratie’ dont elle est, elle-même, issue, c’est-à-dire au-delà d’un jeu de mot qu’elle déclare volontiers facile, la description proustienne du monde, qui fut pour grande partie, le sien, et qu’elle a pu quitter, par la magie de son œuvre, qu’elle loue en authentique ‘proustidigidateur’.
Ce livre se situe entre l’essai et l’auto-narration d’une correspondance entre Proust et son œuvre, et le milieu familial d’où l’autrice provient et qu’elle dissèque, pour mieux s’en départir. L’aristocratie, ou encore définie comme ‘le pouvoir des meilleurs’, constitue un univers à part, ‘où tout se tient et où tout le monde se tient’, un monde mis en mots ‘sans qu’il n’ait rien à dire’, ‘forme d’érudition superficielle, servant à faire joli’. Ce monde qui serait également dépourvu d’émotions, où l’on ne pleure pas, ‘affaire de domestique’, alors que finalement, Proust, moque à travers Charlus, ‘l’ignorance de ce beau monde qu’il place à l’égal des laquais. Proust fréquentant l’hôtel Murat, ou la famille Luynes, et toute sa haute clique bien décrite par l’autrice. L-M citant la parole de son arrière-grand-mère, laquelle a pu caractériser Proust comme ‘un petit journaliste, bon à placer en bout de table’, il est vrai, aux alentours de 1904, bien avant la célébrité de l’écrivain.
Alors que la Recherche du temps perdu, a pour principaux ingrédients, ‘les mariages d’argent, les tensions entre noblesse d’ancien Régime et d’Empire, les croisements avec le sang juif, les détours clandestins par Sodome’… et comme protagonistes, les représentants d’une classe infatuée et inculte. Ces derniers surgissant à travers leurs noms de fiction, seraient pour certains d’entre eux, selon L-M, des membres réels de sa famille, ce qu’elle découvre dans une logique proprement spéculaire et troublante, et nonobstant que chaque nom propre comporte une déclinaison de réminiscence.
L-M démontre que Proust a décrypté avec une grande pré-science, le secret de la liturgie du monde aristocratique. Ce monde qu’il s’évertue de cacher dans son entre soi, tant il est fait de représentation ou de façade, et si cette façade s’écroule, il ne reste rien, ‘l’imposture au grand jour’, ‘un système de signes reposant sur le vide’, citant Deleuze. Proust comme liquidateur de l’aristocratie, ‘dans une mise en perspective de la mondanité et de la mort’.