Ingray Aughskold veut libérer Pahlad Budrakim de la planète prison où il a été envoyé passer le reste de ses jours, pour le forcer à révéler où il a caché les vestiges garseddaïs dont le vol lui a valu sa condamnation. Elle entend confier les précieux vestiges à sa mère, Nétano Aughskold, pour assurer à cette dernière un avantage politique décisif et ainsi prouver à sa famille qu’elle est digne d’accéder, le jour venu, à la tête du clan. Mais ce faisant, Ingray va sans le savoir tirer le fil d’une conspiration interplanétaire qui dépasse de loin ses pauvres ambitions…
Provenance se déroule dans le même univers que Les Chroniques du Radch mais peut se lire indépendamment. Malheureusement, on en est très loin niveau qualité. Il n’y a vraiment pas grand chose à sauver ici : l’intrigue est totalement inintéressante, et de toute façon peu compréhensible, les personnages sont transparents (d’ailleurs l’auteure ne s’embête pas, ils ont tous des expressions énigmatiques et des esquisses de sourires mystérieux), aucune ambiance ne s’installe, aucun suspense non plus. Entre l’héroïne qui passe son temps à pleurer ou à essayer de retenir ses larmes, et les effets de surprise complètement ratés, on navigue au bout de l’ennui.
Par exemple, certains personnages refusent l’identification de genre, et ça pourrait devenir un élément intéressant de l’histoire. Sauf que non, ça n’y joue aucun rôle, à aucun moment, on ne sait jamais pourquoi certains protagonistes sont genrés et d’autres non. Mais par contre, ça donne une version d’écriture inclusive particulièrement éprouvante : « Si cette personne se déclare læ-mêmæ geckquæ, et que les Gecks l’acceptent, iæl peut sans doute être geckquæ ».
Autre exemple, la forme particulière d’emprisonnement appelée le Retrait Compassionnel pourrait apporter une dimension originale et remarquable, et l’héroïne décide d’ailleurs de consacrer une partie importante de sa carrière et peut-être de sa vie à le réformer. Qu’apprenons-nous sur le Retrait Compassionnel ? À peu près rien, cinq lignes pour dire que c’est pas bien. Bâclé, bâclé, bâclé.
La toile de fond géopolitique est tout aussi navrante, l’obsession des Hwaéens pour les vestiges semble d’autant plus stupide que tous ces vestiges sont faux et que personne ne semble s’en rendre compte. Les motivations des Omkems ne sont jamais vraiment explicitées, on ne comprend pas très bien ce que font les Gecks non plus, et on n’est pas aidés par le fait qu’ils s’expriment dans un langage incompréhensible. Et de toute façon, à la fin, les héros décident que tout ça, c’est quand même fort compliqué et que ça n’en vaut pas vraiment la peine, et qu’il vaut bien mieux retourner à sa vie tranquille de policier / marchand / fonctionnaire. Si même eux s’en foutent, comment le lecteur pourrait s’y intéresser ?
Le style volontairement sibyllin n’aide pas non plus à rendre la lecture agréable. On a parfois l’impression que l’auteure s’interdit d’utiliser certains mots (un gage ? un pari perdu ?), comme dans ces premières lignes : « Ingray savait qu’en tendant la main à un peu plus d’un mètre au-delà de ses genoux, elle rencontrerait une paroi lisse et dure ». Oui, Ingray est devant un écran, quoi. Pitié.
Il n’y a rien à sauver dans ce roman. Fuyez. Et ne vous laissez pas abuser par sa nomination au Hugo du meilleur roman en 2018.
Ann Leckie : Provenance – 2017
Originalité : 3/5. Bel effort.
Lisibilité : 2/5. Et c’est généreux.
Diversité : 2/5. Ennui.
Modernité : 2/5. ?
Cohérence : 1/5. Aucune.
Moyenne : 4/10.
A conseiller ? Non.
https://olidupsite.wordpress.com/2024/01/04/provenance-ann-leckie/