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Il y a des sujets sur lesquels il est bien difficile de trouver un ouvrage à la fois rigoureux et pertinent. Rigoureux, ce petit livre l'est du point de vue de la forme : c'est un développement serré, qui tente de déduire le concept de laïcité à partir de ses éléments. Kintzler s'inspire particulièrement de Condorcet, et s'inscrit dans une dynamique rationaliste, et cherche avec lui ls conditions de possibilité de l'émancipation intellectuelle d'un peuple. Elle mène ses prémisses jusqu'à leurs conclusions, ce qui permet de voir le système d'ensemble de ce type bien particulier de laïcité dont s'inspirent beaucoup aujourd'hui à droite.


Mais est-ce pertinent ? Cela dépend. Si vous cherchez une exposition systématique d'une pensée parfois très diffuse dans les médias et qui ne se montre jamais complètement, c'est un livre idéal qui vous en montrera tous les embranchements théoriques. A partir d'un concept de laïcité, elle justifie l'interdiction des signes religieux en classe ainsi que la politique assimilationniste française qu'elle oppose au multiculturalisme anglo-saxon.
Mais si vous êtes à la recherche d'une approche critique des laïcités, qui part de la réalité sociale pour aboutir aux idées, passez votre chemin. Le titre le dit bien : il n'y a qu'une laïcité, comme il n'y a qu'une liberté, une raison, un monde. C'est l'artillerie lourde, des concepts d'ampleur pharaonique, qui laissent peu de place à la pensée critique qu'elle veut précisément défendre face à "l'obscurantisme religieux".


Catherine Kintzler ne cache pas son engagement politique. Difficile à cacher, d'ailleurs, lorsqu'on écrit "personne ne doit pouvoir se plaindre en mettant son enfant à l'école publique que celui-ci a été contraint de subir une manifestation qu'il désapprouve par ailleurs". En gros, si votre voile dérange, c'est à vous de l'enlever. Il est évident que le passage sur la laïcité à l'école prend un virage idéologique, alors que la première partie, si l'on pouvait être en désaccord avec elle, présentait au moins l'intérêt d'être sujet à discussion.


La critique philosophique que je ferais à Kintzler serait celle de se placer sur le plan des idées pour les appliquer unilatéralement au réel. Si cela marche bien en métaphysique (au fond, ça n'engage à rien), cela devient très problématique, et même dangereux en philosophie politique. C'est pour moi un excellent exemple ce qu'il ne faut pas faire.

bigoulit
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le 20 nov. 2020

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