En vérité je pense que tout ceci se comprend fort facilement à partir du début et de la fin du texte: au début il est question de s'autoriser à penser (sapere aude). Il ne faut pas accepter le tutelage, autrement dit l'autorité cognitive ou de conscience. Comment s'en défaire, ou du moins quel est le signe d'un détachement de la tutelle? Un usage public de la raison. Celui-ci est opposé à un usage privé de la raison qui n'est pas à confondre avec la tutelle. L'usage privé de la raison consiste en un usage de la raison qui est soumis à un rôle à jouer. Comprenez intéressé, ou affairé, lié à une tâche spécifique. Il faut accepter de jouer son rôle, par exemple un soldat doit suivre les ordres. Mais par ailleurs, une fois le rôle joué, il faut faire un usage public de la raison: de l'extérieur, critiquer cet usage privé. En outre l'obscurantisme n'a de place nulle part: il n'y a pas de limite morale au pensable.
En fin de texte il est question de liberté et d'autorité. Dans ses textes sur la morale Kant explique que la liberté mène aussi à un devoir. Étant en mesure de considérer librement ses actions, le citoyen est en même temps libre et obligé d'agir moralement (car c'est bien une caractéristique de la morale pour lui: ce qui est moral est un devoir. Si ceci est moral, il FAUT, on DOIT agir ainsi, d'où le déontologisme). Mais étant libre de base, c'est librement que le citoyen s'impose un devoir. D'où cette phrase paradoxale disant qu'on peut raisonner mais qu'il faut obéir en même temps, c'est-à-dire faire un usage privé de sa raison. En fin de compte il n'y a pas de contradiction mais un complémentarité parfaite entre usage privé et public de la raison.
Pour info, il y a un texte de M. Foucault qui s'appelle "Qu'est-ce que la critique?" partant de ce texte de Kant, et dans lequel Foucault parle de remise en question de normes et qui n'est pas inintéressant puisque comme pour ce texte de Kant, il y a une sorte de déclaration de principes sur ce qui doit être fait de la pensée et peut donc être mis dans la liste des ouvrages tels "l'Apologie de Socrate", et "Qu'est-ce que les lumières" donc, mais avec une direction post-moderne.