Peu après la catastrophe de Fukushima et en dépit des consignes largement diffusées, Yôhei erre dans la ville d’Okuma, lieu d’implantation du réacteur n°1 de la centrale.
Le souci, c’est que sa mère malade se révèle intransportable. Même s’il ne sent pas les effets des radiations, il sait ce qu’il risque. Lors de ses allées et venues dans la ville, il est pris de nostalgie pour tous ces lieux qu’il connaît par cœur et qui sont désormais à l’abandon. C’est en particulier le cas pour la maison de Misuzu qui fut son amie dans sa jeunesse : dans le jardin ne reste plus qu’un chien enfermé dans la volière où trônait autrefois un paon. Faisant son possible pour secourir le chien, Yôhei tombe sur une jeune femme. Mais celle-ci ne s’occupe que des chats mal en point.
Un drame peut en cacher un autre
Né dans la région de Fukushima, Izumi Shinga transcende la tragédie dont on sent combien elle l’a marqué, pour ce court roman (126 pages), qui rend palpable le grand silence qui règne dans la ville. Son histoire illustre de façon très émouvante la relation que les Japonais entretiennent avec les générations anciennes. Avec une belle économie de moyens, il crée une atmosphère de mort particulièrement crédible. Et si Yôhei déplore que Fukushima devienne une sorte d’écho à Hiroshima et Nagasaki, il convoque le destin qu’on accepte en commentant le mélancolique refrain « Welcome to the Hotel California » des Eagles. Yôhei n’en a compris le sens qu’au collège : « Vous pouvez quitter l’hôtel quand bon vous semble. Mais vous ne pourrez jamais vous échapper. »
La tension culmine au moment de la mort de la mère. Explorant ses affaires, Yôhei y découvre un objet lui rappelant un drame de sa jeunesse. Surtout, cet objet lui fait comprendre comment sa mère a vécu le drame en question et s’est arrangée pour protéger son fils, faire en sorte qu’il ne culpabilise pas trop.
Critique parue initialement sur LeMagduCiné