Expédition antarctique de Douglas Mawson à la fin de 1912

Après la fantasy, la science-fiction et le roman noir qui lui ont valu plusieurs prix, Justine Niogret se joue définitivement de toute catégorisation en s’attaquant brillamment à une autre forme de voyage littéraire : elle raconte l’expédition antarctique de Douglas Mawson à la fin de 1912.


Nous sommes à l’âge héroïque de l’exploration en Antarctique. Depuis la fin du XIXe siècle, les expéditions dans cet espace géographique encore inconnu se disputent la gloire et le progrès scientifique. Mais, sans liaison radio ni engins motorisés, ne pouvant compter que sur leurs seules forces physiques et mentales, les hommes paient un lourd tribut aux risques qu’ils y encourent.


Quand, à l‘été austral 1912-1913, le géologue australien Douglas Mawson qui n’en est pas à son coup d’essai – il s’est notamment joint à une expédition de Shackleton quelques années plus tôt – choisit son compatriote le lieutenant Belgrave Edward Sutton Ninnis et l’alpiniste suisse Xavier Mertz pour un raid de plusieurs mois en Terre Victoria, depuis le camp de base de leur expédition au Cap Denison en Terre Adélie, il ne se doute pas encore, contrairement au lecteur informé par le titre du récit, de l’ampleur de leur cauchemar à venir.


L’accident qui va tout compromettre les surprend après un mois de route, à cinq cents kilomètres de leur base. Sur les trois hommes et leurs dix-sept chiens de traîneau, le décompte des survivants, égrené par les têtes de chapitre pendant encore les deux mois du retour, tombera à un. Dans l’intervalle, affûtée comme la lame d’un couteau pour, selon l’auteur elle-même, épouser l’ascèse des explorateurs ramenés aux stricts essentiels de la survie, la plume à l’os de Justine Niogret nous emporte dans un récit puissant, tendu comme cette équipée au bout du dépassement et de la souffrance. Rigoureusement précise et factuelle, au-delà de toute considération psychologique, la narration de cette histoire vraie emporte ses protagonistes jusqu’à l’ultime révélation, la révélation de soi-même au contact de l’inhumain : un espace infini de glace, de neige et de blizzard où rien de vivant n’a de place.


A la précision et à l’urgence d’un récit saisissant, qui pourra rappeler le tout aussi spectaculaire The White Darkness de David Grann, Justine Niogret allie la force et la beauté d’une écriture ciselée jusqu’à l’épure et la portée universelle d’une véritable œuvre romanesque. “Tout le monde a son Antarctique”, a écrit Thomas Pynchon. A méditer. Coup de coeur.


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Cannetille
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le 24 juin 2024

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