Lutte personnifiée entre ancien et nouveau régimes

Mi-juin. Les larges fenêtres entrouvertes dans l’espoir qu’un peu d’air puisse rafraîchir l’atmosphère bouillante donnent sur un ciel d’un bleu profond. Le soleil cogne alors que l’heure de la sieste vient de commencer et que la chaleur est écrasante. Une mouche vole de tête blonde en tête blonde. Lorsqu’elle s’approche de trop, son vrombissement étouffe le monologue monotone flottant depuis l’avant de la salle. La joue pourpre collée aux avants bras croisés sur le pupitre, les paupières lourdes clignant de plus en plus monolithiquement peinent à rester ouvertes.


"Vincent ! Qu’est ce que je viens de dire ?! "


Sursaut. Soudain droit comme un i, les yeux rivés sur le tableau noir, l’air perdu…


"Euh… 1793, la révolution… je crois que… c’est heu… la terreur ? Valmy ? Napoléon en Egypte ? La première république ?"


Le trou noir, les dates se cognent, les événements aussi. Les noms, les lieux… Bref, un voile noir. Malheureusement, la situation ne s’est pas vraiment améliorée. C’est toujours plus ou moins le cas pour moi aujourd’hui, 15 ans après le collège, toujours d’énormes lacunes sur cette période de l’histoire de France. Mais je me soigne ! Et donc, je lis Quatrevingt-treize...


Hugo décide dans Quatrevingt-treize de s’éloigner de Paris pour planter son histoire en Vendée. En cette année 1793, les royalistes sont en révolte contre-révolutionnaire. Dernier fief d’une certaine idée de la France, toujours fidèle à ce qu’il reste de l’autorité royale, les barons et autres seigneurs font leur chant du cygne en tentant un dernier coup de poker contre la Révolution.


Des hommes se dressent pour l'avancement de leurs idées :



  • Le marquis de Lantenac, vénérable autant pas son âge avancé que par sa grande stature, revient dans sa région natale pour mener la révolte. Un murmure plein de ferveur précède ses pas, les cloches sonnent partout dans les villages pour annoncer que tout n’est pas perdu, car le marquis est de retour !

  • Face à lui, Cimourdain, représentant de la Convention, envoyé en Vendée par Robespierre pour écraser la révolte. Républicain inflexible, adepte des intrigues politiques propres à la Terreur, il représente cet élan citoyen irrésistible, prêt aux plus horribles actes pour imposer le bon-vouloir du peuple.

  • Entre ces deux figures quasi mythologiques, Gauvain navigue entre deux mondes. Neveu du marquis de Lantenac, il a eu Cimourdain pour précepteur. Il mène le corps d’armée qui traque Lantenac, et cherche à concilier du mieux qu’il puisse deux visions du monde pourtant diamétralement opposées.


Par l’intermédiaire des rencontres et échanges entre ces trois figures, Hugo dresse le portrait d’une France divisée et du clash entre courants idéologiques nouveaux et anciens qui menace de compromettre la nature même des hommes. Les proportions épiques de certaines situations créent un sentiment de jouissance incroyable lors de la lecture. Et la conclusion est tout simplement à couper le souffle.


Hugo fait du Hugo : le style est très plaisant, complexe bien qu’éminemment lisible. Des écarts dans la narration le portent régulièrement dans des recoins bizarres : 30 pages sur la composition de la Convention à Paris, 20 pages sur la description d’un châtelet, pièce par pièce, etc… Et les dimensions homériques des protagonistes sont tellement marquées qu’elles prêtent parfois à sourir. Mais ces points font partie du charme de l’oeuvre.


Le savoir encyclopédique du père Victor rend le tout éducatif, replaçant le contexte historique, avec commentaires sur la période en filigrane. Le chapitre retraçant un échange entre Danton, Marat et Robespierre est à ce titre particulièrement délicieux.

VincentCourson
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le 1 juil. 2017

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Vincent Courson

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