Que serais-je sans toi, épisode 1/12
[Avertissement : l’étude complète excédant les 10.000 mots, j’ai décidé de la scinder en 12 épisodes publiés quotidiennement. Elle courra donc sur douze ouvrages différents de M. Musso, ce qui n’est pas en soi véritablement problématique dans la mesure où il applique les mêmes recettes pour chacun de ses romans.]
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931
[Avertissement. TOUTES les citations sont rigoureusement authentiques, à la virgule près. Les numéros de pages renvoient à l’édition brochée.]
I. Un projet d’envergure
A. Le récit
Voici la quatrième de couverture :
"Gabrielle a deux hommes dans sa vie.
L’un est son père, l’autre est son premier amour.
L’un est un grand flic, l’autre est un célèbre voleur.
Ils ont disparu depuis longtemps, laissant un vide immense dans son cœur.
Le même jour, à la même heure, ils surgissent pour bouleverser sa vie.
Ils se connaissent, ils se détestent, ils se sont lancé un défi mortel.
Gabrielle refuse de choisir entre les deux,
elle voudrait les préserver, les rapprocher, les aimer ensemble.
Mais il y a des duels dont l’issue inéluctable est la mort.
Sauf si…
Des toits de Paris au soleil de San Francisco
Un premier amour qui éclaire toute une vie
Une histoire envoûtante, pleine de suspense et de féerie."
C’est peu de dire que nous en apprenons déjà beaucoup avant même d’ouvrir le livre. Un parti-pris d’ailleurs surprenant de la part de M. Musso. Nous pouvons y voir ce qui sera une des thèses défendues dans cette étude, à savoir la volonté acharnée de l’auteur d’être le plus explicite possible envers son lecteur. Vautré sur la plage, les deux mains huileuses, l’une du beignet à l’abricot et l’autre de crème solaire, abruti par la chaleur, interrompu par les enfants ou l’heure de l’apéritif, le lecteur est en situation difficile ; il a besoin qu’on l’accompagne et qu’on l’aide.
M. Musso a compris cela.
Pour information, la quatrième de couverture nous permet donc de savoir qu’Archibald le voleur est le père de Gabrielle, ce qui nous sera révélé à la p. 87.
Quant à Martin Beaumont, le flic / amant, il attendra quant à lui la p. 154 pour le découvrir. Nous aurons l’occasion de confirmer que ce personnage est un peu lent à la détente.
De fait, c’est à une véritable esthétique de l’étalage que nous invite M. Musso. Il s’agit de faire durer le plaisir. Ainsi, au début du roman, pendant 12 pages, Martin croit avoir sauvé de la noyade un Van Gogh qu’Archibald a jeté à la Seine, le sommant de choisir entre lui et l’œuvre. N’importe quel élève de CP aura compris qu’il s’agissait d’un faux pour faire diversion, mais pas Martin.
Martin a du mal.
B. Le cahier des charges
M. Musso est un ancien professeur d’économie.
M. Musso est aujourd’hui riche.
M. Musso est un entrepreneur qui a attaqué le marché du roman avec une idée, certes peu novatrice, mais très efficace : celle du cahier des charges. Certains critères sont inévitables pour s’assurer du succès.
Le public a des exigences. Il veut :
1. de l’action
2. peu de description
3. de l’amour
4. du sexe
5. des bas-fonds
6. de l’argent
7. de l’humanitaire
8. de l’américain
9. de l’international
10. du surnaturel
M. Musso leur offre donc :
1. De l’action :
Des courses poursuites en sens inverse sur l’autoroute, des personnages enfermés et bâillonnés dans un sous-sol, un saut individuel dans la seine depuis le Pont Neuf (p.57) auquel répond, surenchère oblige, un double saut dans le Pacifique depuis le Golden Gate Bridge de San Francisco (p. 232).
2. Peu de description :
« La cafétéria de l’hôpital était située au premier étage et dominait un petit parc enneigé » (p. 96) : Zola, sort de ce corps !
Un portrait, peut-être ?
« Elle lui trouvait des allures de jeune prince des villes, triste et tourmenté, qui dégageait une beauté improbable, à la fois romantique et hardcore. » (p. 107)
« Dans son travail, elle combattait au quotidien l’anorexie, la boulimie, la dépression et les conduites dévastatrices qui conduisaient (1) les adolescentes au suicide.
Dès ses premiers mots, il avait senti que Sonia était quelqu’un de bien. » (2) (p. 122)
(1) Les conduites qui conduisaient : les mauvais esprits y verront une faute de goût. J’opte pour un jeu subtil du destin tragique des adolescentes par l’emploi malin d’un dérivé du polyptote. Non ?
(2) Difficile en effet d’être le contraire. Elle pourrait peut-être le faire bénévolement.
3. De l’amour :
Nous aurons bien entendu l’occasion d’y revenir. Deux citations en guise d’amuse-bouche :
« Sur les charriots, deux hommes, les yeux clos, dans le coma.
Deux hommes qui se sont battus au lieu de chercher à se comprendre.
Deux hommes qui, chacun à leur façon, aimaient la même femme.
Ou plutôt ne savaient pas comment l’aimer. » (p. 242)
« Il la regarda avec tristesse. Que l’on ait quinze ans, vingt ans, quarante ans, soixante-quinze ans(1) , c’était toujours la même histoire (2) : cette putain de maladie d’amour (3) qui dévastait tout sur son passage, ces moments de bonheur si fugaces qui exigeaient un prix exorbitant à payer (4)… » (p. 248)
(1) On s’excusera auprès des lecteurs dont la tranche d’âge n’est pas représentée. On peut penser, au vu de l’accumulation ici présente, que M. Musso cherche à nous dire que l’amour concerne à peu près tout le monde.
(2) Un rare moment de lucidité dans la carrière de l’auteur. Mais comme le prouve la phrase précédente, tout le monde est concerné, ce qui fait de cette rengaine un marché porteur.
(3) Les lecteurs les plus âgés noterons l’intertexte avec le tube de Michel Sardou, La maladie d’amour ; afin toutefois d’éviter un malentendu sur l’âge de l’auteur, celui-ci a jugé bon de moderniser la référence par un putain qui préserve la jeunesse et la fougue de son écriture.
(4) Le roman coûte en effet 19,90 €.
Pour le sexe, il faudra lire l'épisode suivant :
www.senscritique.com/livre/Et_apres/critique/35183240
L'intégralité de la saga : http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931