La fantasy peut apporter bien plus que ce que les cases du genre ne semblent admettre au premier abord. Si vous n’en étiez pas encore persuadés, « Qui a peur de la mort ? » achèvera de vous convaincre.

Onyesonwu est une ewu, enfant du viol d’une Okeke à la peau sombre par un Nuru à la peau dorée. Le Grand Livre le dit : les Okekes étaient issus de la nuit, avant que la déesse Ani ne fasse apparaître les Nurus du soleil. Ces derniers réduisent les premiers en esclavage, les pourchassent, les déciment, les violent. Onyesonwu, haïe de tous pour ce qu’elle est, doit aussi faire face aux préjugés patriarcaux d’une société qui ne l’accepte de toute façon pas vraiment. Exilée à l’Est, au sein du désert, elle nouera malgré tout des liens dans cette ville d’accueil, s’y découvrira des capacités magiques et finira par s’embarquer dans un voyage pour retrouver l’homme qui l’observe et veut la tuer.

Superbe conte puisant dans des légendes africaines, « Qui a peur de la mort ? » délivre une grande puissance par son propos. Nnedi Okorafor nous met face aux viols, au génocide, au racisme, à la misogynie ordinaire, à l’excision, au poids des traditions, des préjugés et de la religion ainsi qu’à d’autres réalités de l’Afrique – mais évidemment ce serait une erreur de prétendre cantonner ces thèmes à l’Afrique. Sans angélisme des opprimés Okekes ni diabolisation excessive des opprimants Nurus, Okorafor martèle ses idées avec vigueur et n’épargne rien. Le féminisme d’Onyesonwu, notamment, fait du bien.

A l’image d’Onyesonwu puisant l’énergie qui l’environne, cette histoire, ce monde pourrais-je dire, tire de ces propos une profondeur qui se ressent sur toutes ses composantes. Suivre la troupe dans sa marche à travers le désert, écouter les conversations des sorciers est un plaisir tant on a affaire à des personnes plus que des personnages.

Qu’ajouter, en fin de conte ? « Qui a peur de la mort ? » sait où il va et nous y emmène sans sourciller, entre la couleur du sable, celle de l’eau et celle des feuilles. Comment ne pas en humer la chaleur et l’espoir ?
Jeolen
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le 4 mars 2015

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