J'aime bien le concept de suspension consentie de l'incrédulité. C'est, nous dit wikipedia, l’opération mentale effectuée par le lecteur ou le spectateur d'une œuvre de fiction qui accepte, le temps de la consultation de l'œuvre, de mettre de côté son scepticisme.
Qui se souviendra de Phily-Jo ? De Marcus Malte va pas mal exploiter cela pour servir son propos. Premier roman de l'auteur, je l'ai choisi par hasard à la bibliothèque, surtout pour sa superbe couverture des éditions Zulma. Le roman se présente comme un grand roman américain, avec traducteur, mention que les « mots et expressions suivis d'un astérisque sont en français dans le texte [N.d.T.]. Je ne connaissais pas Marcus Malte, mais je vois rapidement qu'il est aussi américain que je suis physicien. Premier jet de poudre aux yeux.
Le roman commence comme une enquête de Gary Sanz, prof américain de littérature qui enquête sur le décès de son beau frère, Philipe Joseph Deloncle (Phily-Jo), mort accidentellement à moins qu'il n'ai été victime d'une conspiration de la Pieuvre Noir suite à la création d'une machine révolutionnaire permettant de produire de l'énergie très facilement, se libérant du joue du complexe industrielle des énergies fossiles (dont la Pieuvre Noire est le bras ventousé et armé?).
On rentre alors dans le monde du doute, de l'interprétation, de la conspiration, on glisse lentement vers le complot. L'impression se renforce lorsque la 2e partie met en scène un nouveau narrateur qui enquête sur Gary Sanz, le 1er narrateur. Puis un 3e narrateur enquête sur le texte du 2e narrateur. Etc. Roman gigogne, véritable poupée russe (tiens tiens, les russes, encore eux!) littéraire, on ne sait plus sur quoi on lit. On se laisse emporter par le courant littéraire de Marcus Malte, qui nous ballade où il veut. Mais on le veut aussi. Rappeler vous, la suspension consentie de l'incrédulité est une opération mentale où l'on accepte de mettre de côté notre scepticisme ! Car on est dans de la littérature, donc dans de la fiction.
Oui, mais c'est là le tour de force de l'auteur (ou du narrateur ? A moins qu'il ne soit une seule et même personne) : où s'arrête la fiction ? Jusqu'où le complotisme sert le récit ? Les dernières parties du récit font des parallèles entre les sentiers que l'on vient d'arpenter volontairement le sourire au lèvre et ceux que l'on suit quotidiennement, l'éco-anxiété solidement chevillé aux tripes.
Sous couvert d'un roman policier, on explore alors des thématiques milles fois lues : le conspirationnisme, les théories du complot, mais aussi les collusions politico-industrielles. Pour faire perdre la crédibilité de n'importe quel contradicteur, dite qu'il est complotiste. Mais quand la réalité dépasse la fiction, qu'est-ce qui relève du complot et qu'est-ce qui n'est qu'un amer constat qu'on ne sait plus regarder les faits (a-t-on jamais su?)
Qui se souviendra de Phyli-Jo ? , sous couvert d'un sympathique roman policier/thriller politique s'avère une habile démonstration de ce qu'est la théorie du complot, la manipulation des masses, et comment le pouvoir surf sur cette vague flou qu'est la limite entre ces 2 pôles. Et en surfant sur la vague flou de multiples procédés littéraire, Macus Malte permet à son roman de gagner en grande profondeur par ce procédé de méta narration.
Si avec ça on oubli Phily Jo, c'est que tout aura été fait pour noyer son histoire dans le courant de l'histoire !