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Le désert dont il est question n'est pas celui que vous croyez... Alexis de Tocqueville, le fameux auteur de "De la démocratie en Amérique", ce passage obligé de tout potache de Science-Po, nous raconte ici, dans un récit qui ne sera édité qu'après sa mort, un court voyage qu'il fit en 1831 dans la région des Grands Lacs aux Etats-Unis, à la toute extrémité de l'avancée colonisatrice. Le désert on il parle n'est pas un étouffant paysage de sable, mais bien un désert humain, celui de la Frontière, celui des grandes forêts américaines du Nord, avant le passage de la civilisation blanche, ce rouleau compresseur qui détruira les arbres et les Indiens.


J'ai adoré l'humanité et la prescience qui émanent de ce court livre de 150 pages, dans le quel un homme du XIX siècle semble déjà "habiter" en un surprenant exercice de projection, les Etats-Unis d'aujourd'hui. Alors non Tocqueville ne fait pas un exercice à la Jules Verne, il se contente de raconter en termes simples mais remplis d'émotions le périple qui lui fera rencontrer des paysages vierges , une Nature toute puissante et des gens simples et opiniâtres qui y forgent leur existence.


J'ai trouvé aussi remarquable ce respect de l'auteur pour les choses et les gens qu'il décrit. Il nous fait un superbe portrait de la forêt primitive, cet enchevêtrement de grands arbres morts, tels des carcasses de dinosaures, qui barre la route des pionniers et dans lequel se creusent petit à petit les premières clairières qui annoncent sa fin. Même traitement admiratif (et parfois amusé et parfois erroné), pour ces Américains qui l'accueillent dans leur cabine de rondins, pour ces indiens qui le guident, pour ces Européens qui ont abandonné les oripeaux futiles de leur mode de vie pour embrasser les nécessités de leur nouvel univers. Ce livre décrit le courage autant que la cupidité, la misère autant que la grandeur et le fait avec une magnanimité qui étonne.


Lisez donc ce court compte rendu de voyage, qui lorgne du côté de l'ethnographie sans en être vraiment bien sûr, qui annoncerait presque le discours écologique moderne, et qui exprime les ambiguïtés du regard européen sur les "sauvages" du Nouveau monde, dont il note la déchéance lorsqu'ils sont perdus dans la marée blanche qui monte et la dignité quand ils sont dans leur environnement. Vers la fin du livre, arrivé à destination après la traversée de cette immense forêt qui l'impressionne tant, Tocqueville nous sort un très beau discours sur la Nature en péril et la grande civilisation américaine en construction. C'est superbe. Je vous recommande cette lecture intense qui vous transporte réellement dans un autre monde , guys et guyzettes!

nostromo
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le 24 mars 2020

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nostromo

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