Raging bull. Pour beaucoup ce nom évoque le film de Martin Scorcese, 1981, et un Robert DeNiro incarnant complètement un Jake LaMotta déchaîné. Pour d’autres, c’est le surnom du champion du monde des poids moyens, titre qu’il arrache au champion français Marcel Cerdan en 1949.

Mais c’est aussi le titre de l’autobiographie du boxeur, que les éditions 13ème notes ont eu la bonne idée, et certaines difficultés, de dénicher.

Martin Scorcese s’était également basé sur ce texte pour la réalisation de son film mais n’avait pas adapté toute la jeunesse dans le Bronx de LaMotta.

Le récit assez incroyable commence en effet dans l’appartement gelé de la famille dans un quartier pauvre, où ce fils d’immigrés italiens rentrait en pleurs chez lui après s’être fait battre par d’autres enfants de l’école. Sa première leçon, Jake Lamotta la prend de son père, qui lui met entre les mains un pic à glace (il a moins de 10 ans !) pour se défendre et il ne se laissera plus jamais maltraiter sans rendre coup pour coup. Dès lors, il adopte pour devise de ne faire confiance à personne.

A 16 ans, après divers braquages, faits de violence, et un meurtre qu’il pense avoir commis accidentellement et dont la dissimulation le ronge, il se retrouve incarcéré en maison de correction. Celui qui n’est pas encore « le taureau du Bronx » tourne comme un lion en cage. Battu, humilié, il est finalement affecté à l’entretien de la salle de boxe. Très vite, en prenant une première raclée sur le ring, il comprend les combats de rue auxquels il était habitué n’avaient rien à voir avec la boxe, et qu’il allait devoir s’entraîner sérieusement pour prétendre à un niveau de professionnel.

Décidé à ne plus trainer dans les magouilles de la mafia omniprésente, Jake LaMotta prend alors la ferme résolution de devenir champion de boxe.

Dans les années 50, les salles de boxes fleurissent aux Etats-Unis, et il n’est pas impossible de gagner quelques sous grâce au système des paris qui semble intimement liés à l’histoire de ce sport.

Loin d’être un tableau élogieux de la rédemption d’un enfant terrible du Bronx, LaMotta se confie humblement : son caractère terrible, son manque de confiance en autrui, qui le rend violent, même envers les successives femmes de sa vie et son meilleur ami, qu’il manquera de tuer parce qu’il le soupçonne d’entretenir des relations avec sa femme (alors que lui-même abuse sexuellement suite à un « malentendu » de sa compagne). Il raconte sa culpabilité inexprimable d’avoir laissé pour mort un bookmaker dont il voulait faire les poches, sa peur des femmes qui le laissent dans un état d’impuissance frustrant…

Il décrit également l’univers de danger de la boxe des années 50, ainsi que les règles de la mafia, auxquelles il refuse de se plier, et qui lui interdisent de fait l’accès pour concourir au titre.

« Raging bull » est un parcours de rage et de peur d’un homme mal dans sa peau, incapable de faire confiance aux autres, souvent trahi et mal aimé des siens, et qui n’est arrivé à canaliser sa violence qu’en donnant des coups, mais aussi et surtout en en recevant…Dans le jargon de la boxe, on appelle « avoir du cœur » le fait d’être prêt à encaisser une dizaine de coups rien que pour pouvoir en placer un précis, à l’exemple d’un combat célèbre contre le français Laurent Dauthuile, qu’il remporta à quelques secondes de la fin par KO alors qu’il était largement mené depuis le début.

Mais dans l’assouvissement de son désir on perd aussi une partie de soi-même.

Lamotta décrit une scène incroyable le soir de sa victoire face à Cerdan, où tous son entourage est à la fête alors que lui pleure tout seul dans le noir, incapable de comprendre les raisons de son abattement.

Commence pour lui une toute aussi impressionnante descente aux enfers : il perd son titre face à Sugar Ray Robinson, ouvre un night-club, et se fait arrêter pour proxénétisme avec une mineure (fait pour lequel il se clame encore innocent)…où comment des années plus tard, le champion du monde de la boxe retourne à la case prison.

Mais le taureau furieux du Bronx ne s’est jamais laissé complètement abattre. Ce livre témoigne d’une introspection sincère, avec un style certain (même si le livre est co-écrit avec un journaliste et son meilleur ami Pete Sauvage) et franc. Jake LaMotta nous entraîne réellement dans ses multiples vies et c’est sans surprise que l’on comprend que ce texte aura inspiré à Scorese le chef d’œuvre qu’est « Raging Bull » qui fera définitivement entrer le boxeur dans les mémoires.
madamedub
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le 7 mai 2013

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