Étrange que ce roman ait dû attendre aussi longtemps avant d'émerger des profondeurs de ma PAL* mais voilà une erreur réparée, je viens de l'achever.
Ce n'est pas le premier roman de Daphné du Maurier que je lis, loin s'en faut, donc ce ne fut pas une découverte à proprement parler côté style. Maintenant, côté récit, comme je me targue d'être toujours honnête vis-à-vis de moi-même, je dois avouer que les deux premiers tiers du roman m'ont paru tout simplement soporifiques à tel point qu'après m'être étonnée que ce roman ne me soit pas encore passé entre les mains, j'ai bien cru qu'il m'en tomberait !
Mais, sans doute le spectre maléfique de Rebecca, l'ex-Mme de Winter, sentit-il mes velléités d'abandon car quelques pages plus loin, entamant la dernière partie de l'oeuvre, je me suis décidée à aller jusqu'au bout. Hélas, ce fut pour constater qu'il devient urgent que je me préoccupe d'éradiquer une fois pour toute la tare qui me condamne à toujours découvrir trop tôt ce qui va arriver.
***ALERT SPOILER***
Deux fois hélas, encore une fois, je découvris prématurément que Rebecca n'était pas la gentille femme parfaite que la nouvelle Mme de Winter, la narratrice, se plaisait à se représenter mais bien une "connasse" comme disent les soeurs Girard, que Favell était évidemment le cousin-amant de ladite Rebecca, que Max de Winter, son veuf, ne l'avait jamais aimée et qu'elle était condamnée à mourir brusquement d'une maladie fulgurante. Enfin, il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour comprendre qu'il va arriver des bricoles à Manderley, la demeure chouchoutée des de Winter.
Mais suis-je vraiment la seule à avoir deviné tout cela à l'avance ? Quel lecteur n'a pas trouvé suspect, entre autres points, qu'une honorable maîtresse de manoir anglais possède une maisonnette sur la plage pour recevoir ses invités au clair de lune ? Quel lecteur n'a pas compris que Mme Danvers était la méchante et qu'elle allait tout faire pour pourrir l'existence de la nouvelle Mme de Winter ?
Manderley, tout manoir qu'il est, est sans conteste le personnage qui m'a le plus séduite... lui et son propriétaire, Max de Winter, qui incarne le type même du gentleman (à ce détail près qu'il a zigouillé son épouse). Vraiment très séduisant. Je ne vois d'ailleurs pas très bien pourquoi il a épousé une femme si insignifiante qu'elle n'a pas de nom (oui, là j'avoue férocement que je n'ai pas apprécié de ne pouvoir donner un prénom à la narratrice à qui j'ai quand même tenu compagnie pendant 378 pages, c'est le monde à l'envers !). Mais bref, ok, gageons que cet homme fragilisé par sa situation se soit amouraché d'une femme de compagnie en tout point semblable à une souris ? J'en appelle, chers amis lecteurs, à votre honnêteté : lequel d'entre vous ne l'a pas trouvée horripilante dans ses maladresses, ses hésitations et ses introspections pendant les premières semaines passées à Manderley ? En ce qui me concerne, elle a failli avoir raison de ma patience et l'envie de la secouer comme un prunier m'a démangé les bras plus d'une fois.
Du point de vue psychologique, on reconnaît parfaitement la touche particulière de Daphné du Maurier, toujours très attentive à fouiller ses personnages (d'où les longueurs) et à ménager le suspens chez son lecteur, dans l'hypothèse où il ne devine pas à l'avance le dénouement. Si cela avait été mon cas, je ne doute pas que j'aurais vraiment beaucoup apprécié ma lecture. Dans les circonstances présentes, je l'ai juste appréciée, d'où ma note que d'aucuns jugeront peut-être un peu sévère.
Enfin, une chose est sûre, je relirai du Du Maurier, aucun suspense sur ce point. J'en attends davantage du film d'Hitchcock sur lequel je vais à présent me jeter !
*Pile à lire (oui, aussi étrange que cela puisse me paraître, j'ai découvert que tous les lecteurs ne comprenaient pas cet acronyme).