La nouvelle est très intéressante et met face aux biais racialistes et classistes de la lectrice ou du lecteur. Toni Morrison réussit à maintenir notre esprit brouillé dans ce jeu de piste infini qui a pour mérite de nous interroger sur ce qui est constitutif ou non des identités raciales.
En quelques pages, l'autrice parvient à stimuler nos réactions, nos souvenirs et la cohérence de nos positions face aux souffrances infligées aux Autres dont le personnage de Maggie incarne cette altérité méprisée.
Les analyses faites dans la postface de Zadie Smith sont à cet égard assez intéressantes à lire, notamment sur ce qu'elles révèlent des rapports collectifs à l'Histoire. Et des rapports entre dominé.e.s et dominant.e.s. On appréciera d'ailleurs d'avoir les éléments d'analyse en aval du récit plutôt que dans une habituelle préface qui gâche trop souvent le plaisir de la découverte.
Malheureusement, cet postface possède de grosses lacunes, notamment dans la conception très universaliste de la race, et en raison des manques sociologiques du propos. Le terme "pédale" utilisé par Morrison n'est pas réinterrogé. Pire, un passage de la postface fait un lien entre le fascisme et le féminisme qui est tout à fait choquant, déplacée et irrationnel.
On retiendra toutefois les 10 points progressifs amenant au fascisme théorisés par Toni Morrison et qui sont assez pertinents.
6,5/10 (dont 7,5 pour le livre et 5,5 pour la postface)