Réelle
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le 9 déc. 2018
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Les Tapiro n’éteignent pas la télévision. Le bouton est cassé. Ça les obligerait à se contorsionner pour débrancher la prise. Didier adore Johnny, Sylvie fait des colliers de perles, Kévin grandit gentiment, la grand-mère est abonnée à tous les titres de presse people qui existent. Johanna, elle, est fascinée par les stars. Actrices, chanteuses, peu importe, du moment qu’elles passent à la télévision. Ça fait de vous « quelqu’un », la télévision. Rapidement complexée par ses origines modestes, la petite Johanna se rêve en Ophélie Winter. Encouragée par sa meilleure amie, elle tente sa chance à Graines de star. L’audition se révèle assez humiliante, mais Johanna, aussi effacée que sa mère, n’est pas à ça près. Elle s’est assise sur sa fierté lorsqu’elle a décidé d’exister dans les yeux des garçons. Quelques années plus tard, toute à ses rêveries de tournée avec les Enfoirés, une boîte de production la contacte. Ils ont vu cette photo d’elle sur les genoux de son père, celle qui lui avait valu de passer son premier casting. Candide, naturelle, différente. C’est elle qu’ils veulent pour cette nouvelle émission qui va cartonner.
J’ai regardé Loft Story. Jetez-moi des pierres. J’ai regardé ce Big Brother venu des Pays-Bas. Je l’ai même regardé très en détail puisqu’il était au programme de mes cours d’audiovisuel. C’était en 2001. En 2001, j’ai éteint mon poste de télé. Pour autant, je m’interroge beaucoup sur les motivations des participants. Que peuvent espérer ces jeunes, catapultés dans une cage tout équipée Ikea, filmés sous toutes les coutures, s’adonnant à une non-activité abrutissante ? Tout. C’est bien là le problème. En cette fin des années 90 – début 2000, la télévision commençait à prouver son immense pouvoir : celui de transformer n’importe qui en célébrité.
Vous l’avez compris, c’est bien dans le fameux loft que l’auteur cloître son héroïne, reprenant un certain nombre d’éléments et de participants de la véritable émission, jusqu’à l’anagramme par laquelle il a nommé la production. C’est assez gonflé de satiriser comme ça. Stars, animateurs, assistants en prennent pour leur grade. Les candidats du « jeu » sont identiques à mes souvenirs. Nul besoin de détailler les dérives de comportement que l’enfermement et les projecteurs engendrent. Sous l’œil de la caméra, chaque sentiment exacerbé trouve une réponse : Johanna s’éprend d’Édouard, et les premières éliminations arrivent.
On laisse rarement, dans un roman, les gens banals dans leur banalité. Pourtant, d’une succession de futilités, l’auteur propose un personnage principal qu’on suit avec plaisir, curiosité, appréhension aussi. Aveuglée par un monde qu’elle fantasme depuis toujours, porte-parole d’une France d’en bas honteuse qui voudrait se faire bourgeoise, on pardonne presque sa bêtise à Johanna.
Un portrait juste, mais sans méchanceté, de ce que le sacro-saint média des salons a fait de la génération fluo – Minitel, écrit avec une beauté crue.
Créée
le 7 sept. 2018
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