Méta-physique et ma-thématique
Deux extraits du Libre Arbitre (Livre II, 21 et 23) de St Augustin illustrent l'idée classique (platonicienne) que l'on se fait des nombres, de l'arithmétique, et des mathématiques en général. Sept...
le 5 déc. 2024
Deux extraits du Libre Arbitre (Livre II, 21 et 23) de St Augustin illustrent l'idée classique (platonicienne) que l'on se fait des nombres, de l'arithmétique, et des mathématiques en général.
Sept et trois font dix, non seulement maintenant, mais pour toujours, et en aucune manière sept et trois n'ont cessé de faire dix ni ne cesseront jamais de le faire. Telle est la vérité commune du nombre.
"C'est après l'interposition de trois que vient quatre, qui est le double de deux. Cette raison s'étend à tous les autres nombres selon une loi très certaine et très immuable."
A la conception augustinienne qui hypostasie le caractère de nécessité des propositions mathématiques, Wittgenstein oppose une conception "anthropologique" des mathématiques.
Nous sommes tous inexorablement contraints de dire "deux" après "un", "trois" après "deux", etc. - "Mais ce calcul n'est-il qu'un usage ; n'y a-t-il pas également une vérité qui corresponde à cette suite ?" La vérité, c'est que le calcul s'est vérifié. - "Veux-tu donc dire qu'être vrai signifie être utilisable (ou utile) ?" - "Non : j'entends qu'on ne peut pas dire de la série des nombres naturels (non plus que de notre langage) qu'ils sont vrais mais qu'ils sont utilisables et surtout qu'ils sont utilisés."
Il s'agit là du déboulonnage de la vieille tradition "méta-mathématique" dont même le peu catholique Bertrand Russell est un héritier. En privant l'ordre des nombres de l'onction de vérité, Wittgenstein attaque l'Ordre métaphysique qui pivote autour de l'Un.
St Augustin s'ingéniait à faire reposer les mathématiques sur des fondations irréfutables. Mais il parvint seulement à poser un château de pierres sur du sable. Bertrand Russell, co-auteur des Principia Mathematica révéla le sable sous le château et tenta de l'assembler en grès via une révolution du symbolisme logique. Lorsque Kurt Gödel montre que l'entreprise ne pourra être menée à bien (théorèmes d'incomplétude), tous semblent craindre que l'édifice mathématique complet ne s'écroule. Wittgenstein, seul, pense que les mathématiques n'ont pas besoin de fondements mais seulement d'une grammaire.
J'ai lu ce livre l'hiver dernier alors que je carottait avec mon équipe des sédiments sur un lac gelé en Mongolie Intérieure. Nous pouvions marcher en sécurité sur la glace épaisse de 50 cm. Pourtant juste sous nos pieds, nulle assise solide mais une eau noire, glaciale. "Dans un calcul, il n'y a pas d'abîmes si je n'en vois pas."
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le 5 déc. 2024
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