Le ressac ou l'art de réparer.
"Ressac" peut pourtant s'enrouler comme une vague et former le mot "casser".
Difficile d'imaginer comment relier ces trois notions : celle du souvenir, celle de la rupture et celle de la réparation.
Mais c'est toute la subtilité sincère du récit de Diglee que de nous en livrer l'intime proximité.
Parce que la veille de son départ pour une retraite de quelques jours dans une abbaye bretonne, Diglee apprend l'accident de voiture de son "père de cœur".
Parce que dans la violence qu'incarne depuis deux ans ce beau-père tant aimé, Diglee traque la douceur et l'amour.
Parce que dans le vide que Diglee croit sentir dans sa propre vie, la jeune femme cherche la compagnie du silence.
Là où naissent les spectres, les prières et les rencontres.
La force de "Ressac" est sa sincérité nue, la profonde nostalgie qui en sous-tend l'écriture. Si Diglee se retire dans une abbaye bretonne qui lui est jusqu'ici étrangère, sa route est parsemée de signes comme autant de codes secrets s'adressant à elle, la renvoyant aux énigmes de sa vie. Phénomènes d'échos qui prêtent à sourire et que la jeune femme, dans son amour du sens, saisit pour en faire l'exégèse.
L'écriture est belle car vraie, intérieure et intime, dotée d'une puissance d'évocation que seul un être mélancolique et solaire peut incarner. Diglee est cela même : aérienne, lunaire, emplie de doutes, mais par ailleurs brûlante et tranchante comme un feu vif : la tristesse de ce qui disparaît ne la quitte jamais mais il est un temps pour tout. Aimer et honorer le passé, c'est aussi "couper", "rompre", savoir partir sans se retourner.
Casser.
A l'image du rosier qu'il faut tailler.
A l'image de ce beau-père tant aimé qui a déserté la vie - et peut-être ainsi son conformisme. La maladie comme réparation ou comme accomplissement d'une éthique de vie.
Mais avant de tourner le dos, il y a le ressac, la mer et la mémoire, le caractère tout à la fois intime et sacré du récit de Diglee.