Peu importe le diplôme universitaire qu’il ramène de Liverpool, la même sempiternelle mouise attend le narrateur Sean Maguire à son retour chez lui, dans la banlieue défavorisée de Belfast où il a grandi. Réduit à partager avec son ami Ryan un squat minable, leur emploi à mi-temps au bar d’une boîte de nuit ne suffisant même pas à remplir leur frigo, les deux jeunes gens tentent d’oublier leur vie d’expédients et de rapines au supermarché en la brûlant par les deux bouts, dans de folles soirées où l’alcool et la drogue leur procurent ivresse et oubli.
Le pire reste pourtant à venir quand une bagarre de trop envoie Sean au tribunal. Condamné à une lourde amende et à une peine d’intérêt général, viré à la fois de son boulot et de son logement, Sean est obligé de retourner loger chez sa mère. Cette fois l’électrochoc est tel que l’ex-étudiant en lettres se met à l’écriture, narrant une jeunesse dans une Belfast plombée par le passé qui a beaucoup à voir avec celle de l’auteur.
Au gouffre personnel qui menace de plus en plus d’engloutir le personnage répond celui d’une histoire familiale marquée par la violence et la misère, sur le fond encore douloureux d’une Irlande du Nord traumatisée par les « Troubles ». Car, depuis un quart de siècle que se sont achevées les trois décennies de la guerre civile, le taux de suicide, le nombre de dépressions et la consommation d’alcool, de drogues et de médicaments y connaissent en vérité une croissance exponentielle, en même temps que la ségrégation spatiale et sociale entre catholiques et protestants continue de s’aggraver.
D’un réalisme brut quant au désenchantement d’une jeunesse laminée par son héritage traumatique et par le déterminisme social, ce premier roman de Michael Magee a beau nous asséner les réalités crues et cruelles d’un pays comme écorché vif, c’est quand même bien un formidable chant d’amour qu’il adresse à Belfast et à son âme meurtrie.
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