Première surprise, contrairement à ce à quoi je m'attendais, Retour au meilleur des mondes n'est pas une suite du Meilleur des mondes, mais un essai, écrit 26 ans après l'original, dans lequel Aldous Huxley revient sur le livre original, analyse l'évolution de notre monde, et de son soudain rapprochement avec celui dépeint dans son univers.

Je dois bien avouer que je suis encore une fois déçu. Déçu parce que, si je suis d'accord avec le propos, que je rejoins Huxley sur de nombreux points, notamment concernant le malthusianisme, je trouve le gros du livre pas assez poussé, trop sommaire.


Forcément, le fait que l'essai date de 1958 est à prendre en compte : les mots qui pouvaient marquer le lecteur, avoir un impact sur lui, dans les 50 n'en ont peut-être plus aujourd'hui… mais ça n'empêche pas que pris sous un angle actuel, à partir de la vision du piètre lecteur que je suis d'aujourd'hui, une bonne partie de ce qui est mentionné dans l'ouvrage est au mieux daté. Prenons un exemple, dans le chapitre 4, Huxley fait la différence entre la bonne propagande et la mauvaise propagande :

  • la bonne propagande est rationnelle, "en faveur d'une action conforme à l'intérêt bien compris de celui qui l'accomplit et celui à qui elle s'adresse" ;
  • la mauvaise propagande est irrationnelle, "sert les intérêts de personne, mais est dictée par la passion et s'adresse à elle".

Je comprends le propos, mais force est de constater que, pour l'aristotélicien que je suis, sa binarité m'empêche de lui donner quelconque crédit. Ça manque d'exemples afin d'appuyer le propos.

Autre exemple au chapitre 5 où il se base sur les dires des nazis (et plus précisément ceux d'Hitler) dans le but de justifier un "empoisonnement grégaire" : "une substance active, faisant sortir de soi-même" lorsque l'homme est dans une foule. Force est de constater qu'en plus de ne se baser que sur les dires de l'autre génocidaire moustachu, qu'à la vue de la recherche actuelle, Huxley semble avoir bien tort à ce sujet (je ne peux d'ailleurs que vous conseiller de vous intéresser à la chaîne YouTube de Fouloscopie afin d'en apprendre plus sur le sujet).


Aussi, s'il est primordial de donner des sources, des noms, ce qu'Huxley fait ; rapporter de la mauvaise façon les écrits et affirmations de ces mêmes sources peut amener l'écrit à perdre en pertinence… et c'est malheureusement ce qui se produit dans Retour au meilleur des mondes. Certains noms sont lachés comme ça, d'un coup, en mode "débrouille-toi avec". Pourquoi citer telle ou telle personne ? Qu'a-t-elle apportée à notre monde ? Certains auteurs sont d'ailleurs cités sans que la fonction qu'ils occupent nous soit indiquée. Déjà que ça m'emmerde de devoir utiliser Wikipédia en parallèle d'une lecture (comme s'il manquait quelque chose au livre), mais en plus, Huxley cite parfois des personnalités qui occupe des fonctions sensiblement plus différentes qu'on ne pourrait le croire. Déso pas déso mais citer des psychologues puis des psychanalystes, sans faire la distinction entre les deux, peut-être que ça avait du sens à l'époque, ça n'en a plus aujourd'hui.

Bref, il cite des personnes, mais ça n'aboutit nulle part… c'est assez paradoxal en fait. D'un côté, ce qui ressort du livre est très souvent simpliste… mais d'un autre côté, Huxley fait appel à des sources, des auteurs que le profane que je suis ne connais pas. Franchement, j'aurais mieux fait de directement lire les écrits des personnes mentionnées, ça m'aurait évité une telle perte de temps.


De toute façon, il y a des chapitres qu'on pourrait presque directement jeter à la poubelle (à la limite, je vous conseillerai plus de les lire en diagonale). Par exemple, dans le chapitre 8, il passe 90 % à citer des drogues de son époque, à les comparer avec le soma du Meilleur des mondes… ok… et ensuite ? Rien ! Sans rire, sa conclusion revient à réécrire, de manière explicite cette fois-ci, ce qui était déjà dit implicitement dans Le Meilleur des mondes. Dans un autre registre, dans le chapitre 7, le fait qu'il cite les travaux sur le réflexe conditionnel effectués par Pavlov et d'autres trivia concernant la torture n'a plus grand intérêt aujourd'hui tant ces sujets ont été abordés et vulgarisés de nombreuses fois.

Ce qui est vraiment ridicule dans l'histoire, paradoxale même, c'est que le chapitre le plus pertinent du livre, celui dans lequel Huxley a le propos le plus juste, mais aussi le plus fort, le chapitre 2, ne dure que 4 pages. Il s'agit pourtant d'un chapitre faisant une grosse piqure de rappel concernant "la réserve génétique commune" et la contamination de cette dernière, notamment en permettant aux êtres "d'une qualité biologique inférieure" de se reproduire. Ce rappel, qui est pourtant tout simplement factuel, est extrêmement critiqué par la doxa, peut-être même plus aujourd'hui qu'à l'époque de l'écriture de l'essai. Malheureusement, cela ne va pas assez loin encore une fois, et Huxley se contente d'énoncer des faits sans proposer de véritables solutions pour autant. C'est dommage, c'était le début du livre et à ce moment-là et ça n'inaugurait que du bon pour la suite.


D'une certaine manière, Huxley fait la même erreur dans Retour au meilleur des mondes que dans Le Meilleur des mondes alors que leurs genres respectifs sont diamétralement opposés (roman contre essai je le rappelle) : les idées sont là, mais pas l'exécution. Je vais être direct : Retour au meilleur des mondes ne présente plus grand intérêt aujourd'hui. Ça enchaîne banalités puis ça rapporte les dires et écrits des psychologues/psychanalystes/sociologues sans que rien ne soit approfondit. Je serais même tenté de dire que je suis ressortit du livre en ayant moins compris le logiciel de pensée d'Huxley une fois le livre lu qu'avant de l'avoir commencé. Il suffit de voir à quel point il vante la "liberté" (l'éternel mot-valise) tout en la critiquant, puis de voir comment il vante la science tout en la craignant, pour s'en convaincre (il tente tout de même de tracer une ligne rouge... aux contours flous malheureusement).

Je ne ferme pas la porte aux autres écrits d'Huxley pour autant, mais force est de constater que je m'attendais à mieux.

… et en plus ça se termine sur une phrase de boomer.

MacCAM
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le 15 sept. 2022

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