Le colombien Santiago Gamboa a déjà signé plusieurs romans d'excellente facture, Perdre est une question de méthode, Le syndrome d'Ulysse, Nécropolis 1209, par exemple, mais il s'est surpassé dans Retourner dans l'obscure vallée, d'une ampleur, d'une intensité et d'une ambition narrative peu communes. Ce roman polyphonique, où trois récits semblent tracer leur route sans devoir se croiser, les fait finalement converger dans un final époustouflant correspondant à une vengeance assez horrible, il faut bien le dire. Mais on devrait plutôt dire quatre récits car plusieurs chapitres, à intervalles réguliers, racontent la vie d'Arthur Rimbaud, de façon très vivante et bien peu scolaire, évidemment. Cette évocation du poète n'est pas gratuite car elle a des résonances dans la vie des personnages de fiction de Gamboa et encore davantage dans le dénouement du livre. Alors que l'Europe devient chaos (terrorisme, crise économique, inégalités croissantes), les protagonistes de Retourner dans l'obscure vallée, le Consul (double de l'auteur), son amie Juana, Manuela, à l'enfance et à la jeunesse martyrisées, et Tertuliano, le philosophe messianique, vont revenir en Colombie, pays de la violence, désormais pacifiée et devenue la contrée du pardon. Assez souvent politiquement incorrect, très violent et cru par instants, le livre réussit avec virtuosité une impossible synthèse entre des intrigues très rocambolesques et un réalisme lucide dans la vision de notre monde décadent, sans parler de son hymne à l'un des plus grands poètes du monde. Un livre en fusion, dans tous les sens du terme, et étonnamment apaisé malgré le bruit et la fureur qui le traversent de part en part.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes Livres de 2017

Créée

le 5 déc. 2017

Critique lue 225 fois

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 225 fois

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13