Londres, 1471.
L'Angleterre est malade et subit de nombreux conflits internes opposant les deux principales familles anglaises de l'époque : d'un côté la maison York, de l'autre celle de Lancastre. Cette sombre période de luttes intestines pour la couronne sera gravé dans l'histoire sous le nom de la guerre des deux roses. Les deux parties d'une même pièce, le taiji composé du Ying et du Yang, qui semblent néanmoins destinées à se déchirer pour l'éternité.


Le défunt roi Henri 6 vient à peine d'être pleuré qu'un nouveau suzerain accède déjà au trône : Edouard 4, de la maison York. Il s'agit d'un dirigeant honnête, bon et droit, qui est malheureusement atteint d'une maladie qui chaque jour le consume à petit feu.
C'est alors que la bête arrive, le véritable monstre de cette histoire : le futur roi Richard 3, frère cadet d'Edouard 4. Richard convoite avec avidité la couronne d'Angleterre, n'a d'autre objectif que l'acquisition de celle-ci, même s'il prétend avec maestria le contraire. Richard ne sera apaisé qu'à partir du moment où il montera sur le trône. Toutes ses pensées aspirent à ce sombre dessein.


Richard est un être d'une bassesse et d'une perfidie absolues : il n'hésite pas à supprimer quiconque se dressant devant lui pour parvenir à ses fins. Orateur habile, il distille le doute, la haine et le ressentiment à chacune de ses proies, agissant invariablement dans l'ombre, sans que personne ne s'en rende compte.
La barrière de l'horreur est franchie lors de l'injuste assassinat de son frère George, ordonné par Richard lui-même. Il s'agit d'un expert dans ces immondes manœuvres, ayant avant même que la pièce ait débutée supprimé Henri 6, le défunt roi, et son fils Edouard.
Richard est un individu né dans le sang, qui s'est établit dans le sang et qui périra dans le sang.


Le roi Edouard 4 est de plus en plus souffrant. Une piètre réconciliation est établie au sein de la famille royale avant que Richard ne répande la triste nouvelle : George n'est plus.
Emprisonné par le roi en raison d'absurdes prophéties, ce dernier, rongé par la culpabilité, ne s'en remettra pas. Ainsi, le roi meurt, laissant un héritier âgé d'une dizaine d'années.
Un gouvernement provisoire est instauré. Richard semble tenir son rêve à portée de mains. Des alliances sont crées. L'héritier légitime de la couronne vivra, mais ne sera pas roi. Sa légitimité est remise en question. Une fois écarté, la population se tourne vers le seul suzerain légitime : Richard.
Celui-ci bouillonne, exulte, triomphe. Richard, duc de Gloucester, est nommé Richard 3, roi d'Angleterre.


Le royaume est toujours malade. Un climat d'insécurité règne : le roi Richard est un tyran.
Cependant, les ennuis se succèdent pour celui-ci : Richard récolte les fruits indigestes et pourris qu'il a semé. Une rébellion s'organise en France autour d'un prétendant de la couronne : Richmond.
Richard est fou de rage, et décide de s'attacher à la couronne coûte que coûte. Le rythme s'accélère. Richard, qui autrefois était un remarquable comploteur n'est aujourd'hui plus que le reflet de cet être intelligent et calculateur. Ayant atteint son but, s'étant efforcé de déployer toutes ses forces pour y accéder, il n'avait pas songé à "l'après". Chef de gouvernement sans projet, il ne sait répondre que par l'incitation à la haine, le mépris et le glaive. Entouré de collaborateurs qui le craignent plus qu'ils ne l'aiment, c'est sur le champ de bataille que Richard l'usurpateur affrontera son tragique destin.


Être abject dépourvu de toute pitié ou individu mal aimé ayant grandi dans l'indifférence des autres, le personnage de Richard est remarquable sur plusieurs points, et n'a pas fini, notamment dans le système politique actuel, de nous fasciner.
Richard est paradoxalement un individu clairvoyant et entreprenant qui porte des œillères : il tue, commet des massacres, prépare les pires forfaits car il ne peut voir l'homme en tant qu'être sophistiqué et bon. C'est l'individu rejeté et mal aimé qui rêve de reconnaissance et de grandeur, mais qui est contraint par quelque malédiction, par sa nature à rendre son entourage malheureux.
Avant l'ultime bataille qui décidera de son sort et de celui de l'Angleterre, le roi tremble. Il doute. Il ressasse son ignoble parcours. Son humanité tend à se réveiller avant l'heure fatidique de son procès. "Qui pleurera le roi Richard ?", déclare ce dernier. Seul dans sa tente la nuit, le silence semble répondre à cette profonde supplique. En effet, qui peut pardonner à cet individu, qui pour lui même ne trouve aucune pitié à son égard quant aux atrocités qu'il a commises ?


Richard 3 est une pièce essentielle sur l'âme humaine, qui éclaire également sur les rouages du corps politique et qui nous met en garde : prends garde à Richard. Prend garde au monstre qui sommeille en toi et qui attend la moindre occasion pour se manifester. Méfie toi des autres, mais méfie toi avant tout de toi même.

Greeny-
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le 16 oct. 2015

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