Dans les 2.500 pages, 14 romans sur trois cycle : la première œuvre de Bordage est déjà un monument, au moins par son volume. Elle établit d'un seul coup d'un seul sa réputation d'écrivain prolixe et imaginatif, ce que la suite de sa carrière ne démentira pas, loin s'en faut. Saga qui était épuisée, mais que la maison d'édition nantaise l'Atalante a commencé à republier, volume par volume en 2023. Bon, ils ont probablement sous-estimé le caractère addictif des bouquins de Bordage : l'Atalante n'a en effet ressorti pour l'instant que les 5 volumes du premier cycle. Les ayant acquis et lus, je me suis naturellement et très vite mis en quête de la suite, que j'ai du coup achetée d'occasion.
Dans cet impressionnant Space Opera , on retrouve déjà tous les traits qui marqueront ensuite - avec sans doute plus de maturité et de dépouillement - l’œuvre de Bordage : un univers cruel et baroque, ici démesuré (16 voies galactiques et je ne sais combien de galaxies), un goût prononcé pour mettre en scène des religions, surtout lorsqu'elles sont totalitaires, dogmatiques et fanatisées, de fréquentes pincées d'ésotérisme (sur un scène qui reste celle d'un Space Opera) et une imagination débordante pour décrire des mondes. Car Rohel, dans sa quête, va visiter de nombreux mondes, et même, à l'occasion du second cycle, faire un crochet par des espaces-temps différents. Un peu compliqué parfois, mais ça passe dans la narration. Et puis bien entendu, l'humanisme de l'auteur transparait déjà.
Car Rohel, le personnage principal de la saga, est en quête. Une quête qui va exalter les valeurs humanistes de son créateur, de l'humanité avec son côté lumineux, qui défie volontiers la logique des machines, mais aussi son côté obscur, auquel Rohel va se confronter tant en lui-même que face aux (nombreux) adversaires auxquels il est confronté, dont certains, on n'en sera pas surpris, aspirent tout simplement à rayer l'humanité de la carte de l'univers pour y faire régner le néant. Beaucoup d'action, également dans tout ça, Rohel incarnant, peut-être un peu trop, une sorte de surhomme qui triomphe des pires conditions climatiques et d'adversaires plus nombreux et généralement mieux armés qu'il ne l'est. Sans oublier les nombreuses conquêtes féminines qu'il va faire au fil de ses pérégrinations.
SI Rohel est la première œuvre de Bordage à avoir été publiée, en 1992, il se trouve qu'il aurait écrit "Les guerriers du silence" bien avant, dans les années 80 mais sans trouver d'éditeur à ce moment-là. Difficile donc de voir Rohel comme une sorte de brouillon des Guerriers, bien que ce soit l'impression que ça donne parfois. Notamment parce que dans le second, le côté surhomme que j'évoquais plus haut est nettement atténué. Quoiqu'il en soit, les deux œuvres ont pas mal de choses en commun, dont la moindre n'est pas le plaisir de lire qu'elles suscitent chez le lecteur.