Nabokov, pour son deuxième roman, n'a pas encore la maestria du futur Lolita, mais Roi, dame, valet s'avère un ouvrage réjouissant où le cynisme en germe de l'auteur n'est déjà pas en reste. Placé sous le signe du jeu, avec des parties qui émaillent le récit, c'est en fait l'intrigue on ne peut plus simple des amants qui veulent assassiner le mari. Marthe, bourgeoise dont les appétits n'égalent que le manque d'imagination, prend un amant car il est de bon ton d'en avoir un, c'est un signe de réussite social parmi d'autres. Le mari est un homme d'affaire qui croit avoir le sens de l'humour, ce qui l'amène à soutenir des projets loufoques. Du loufoque, le livre n'est pas avare, on y croisera même une sorte de première version humoristique de Norman Bates (vous reconnaîtrez quand vous y serez). L'amant est terne et se fera balader sans qu'il n'y soit pour grand chose, même si dans son imagination il se voit comme un bourgeois arrivé, maximum possible de ses ambitions.
Souvent férocement drôle, flirtant volontiers avec le vaudeville, étrange au point d'évoquer parfois la littérature fantastique, déjà empreint d'irrévérence ; Roi, dame, valet a beau n'être pas encore abouti, c'est déjà un réel plaisir de lecture.