Saisissant
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le 21 juin 2013
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Voilà des mois que je guettais la parution de Room en poche. L’immense tentation qu’il m’inspirait allait de pair avec la peur qu’il me déçoive, comme je misais énormément sur ce roman pour me conquérir…
Je ressors de cette lecture avec un magma de vives impressions dans les tripes, et quand c’est dans les tripes, c’est que 1. je suis véritablement conquise, 2. que ma tête est beaucoup trop haut pour que mes émotions parviennent à se frayer un chemin jusqu’aux portes cérébrales. Les mots me manquent. Je n’ai que le je suis, je me sens. J’ai le combien, mais pas le pourquoi…
Je ne vais donc pas vous livrer une argumentation sur les raisons de mon éblouissement. Ce qui suit, c’est essentiellement ce que cette lecture a fait de moi…
La première chose que je puis dire, c’est qu’il m’a fallu une semaine entière pour prendre conscience que Room était le fruit d’un travail.
En effet, lorsque j’ai refermé ce livre, Jack était un être de chair et d’os, il me semblait faire partie de ma vie comme ma mère et mon père. Le souvenir de ses mots et même de ses gestes m’était aussi vivant que si j’avais passé des mois, des années à ses côtés. En définitive, j’ai complètement oublié qu’aucun enfant de 5 ans n’avait écrit ce livre. Et que ces heures passées à découvrir Room ne m’avaient emmenée nulle part ailleurs que dans ma propre tête.
Mon immersion dans ce livre a été très rapide, même si j’ai redouté le jargon de l’enfant durant les premières pages. En effet, Jack personnifie les objets qui l’entourent, et la fréquente évocation de « Madame Télévision », « Monsieur Lit », « Madame Commode », « Madame Plante », (…) s’avère plutôt inquiétante au premier abord. Toutefois, je me suis très vite aperçue que cette personnification était, de la part de Jack, une forme de stratégie inconsciente pour rendre son monde – ô combien étroit et limité – plus vivant, dense et fertile. Du moins, c’est ainsi que je l’ai compris.
Avec le léger recul qu’il m’est aujourd’hui possible de prendre, je me rends compte qu’Emma Donoghue a propulsé d’autant mieux la lectrice que je suis dans l’univers de Jack et sa maman en recourant à cette façon de faire : par un « simple » procédé stylistique, elle dessine l’exiguïté d’une pièce sans passer par l’expression d’un quelconque sentiment d’étouffement ou d’oppression – car ce n’est pas ce que ressent Jack -. Rien que ça, c’est une prouesse !
Les causes qui m’ont rendu ce roman si séducteur sont nombreuses et je peste de ne pas parvenir à les toutes les identifier. En vrac, voici celles qui ont, en l’occurrence, sans doute le plus fortement frappé mon esprit : les maladresses langagières et l’innocence du petit garçon sont maîtrisées au point de donner l’illusion que tout cela est vrai (la preuve, j’ai oublié que derrière Jack, il y avait Emma…).
Il me faut aussi mettre en avant la crédibilité du personnage de Jack – ce relief admirable qui m’a quasi conduite à l’entendre respirer – ainsi que sa personnalité : sa finesse, sa vivacité d’esprit, la force de son tempérament, le naturel qu’il dégage et la sincérité de ses sentiments. Un tout qui le rend diablement attachant… (Bon Dieu ce que j’ai aimé ce gamin !)
J’ai par ailleurs admiré la manière dont transpire l’abnégation de la mère et, surtout, l’amour qui unit Jack et sa maman : leur lien fusionnel et remarquablement poignant témoigne aussi de la somptueuse maîtrise de ce roman…
Et si seulement c’était tout… Parce qu’il y a la construction du livre, ses ambiances tantôt intimistes, tantôt énervantes, mais qui suscitent toujours un intérêt entier, concerné, anxieux, complice…
Je ne sais que dire d’autre, si ce n’est que c’est beau. Vraiment beau…
Ce roman peut générer des craintes, parce qu’il s’inspire de faits sordides de séquestration, mais sa singularité, sa puissance, l’émotion qu’il charrie, la sincérité qu’il porte en lui en font une œuvre qui ne vole pas son essence à la réalité. Room offre un regard différent, sans être pour autant moins bouleversant – loin s’en faut !
En somme, c’est avec amertume que je reviens à la réalité, poursuivie et poursuivant désormais l’ombre de Jack, en plus de celles de mes très chers Oskar et Abélard…
La fin d’un livre que j’ai aimé énormément sonne toujours un peu comme le glas pour moi. Je ressasse obsessionnellement le besoin de vivre encore à travers ou avec les personnages qui ont pris vie entre les lignes. Mais en même temps, c’est avec exultation, des étoiles plein les yeux, que je m’anime à les faire vivre encore, si possible dans d’autres têtes, dans d’autres tripes.
Room : j’ai envie de crier sur tous les toits « J’aime ! Lisez-le ! »
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Créée
le 23 févr. 2013
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