Il faut quand même que je vous prévienne : "Roseanna", c'est du raide. Du brut. Du dépouillé. Du lent. Tiens je dirais que c'est le "Jeanne Diehlman" du polar. Ce qui dans ma bouche est un compliment. Le temps passe. Pas vite. Les personnages, ordinaires, font des trucs quotidiens, comme manger, dormir, et aussi essayer de résoudre un crime. Ils tombent malades. Ils s'emmerdent. Il n'y a pas de téléphones portables. Pas d'Internet. Correspondre avec la police américaine, c'est toute une aventure. Du coup ça prend des mois pour identifier le coupable, et après pas mal de semaines pour le coincer. Et à la fin tout le monde est triste. Tout le monde pleure. Pendant tout ce temps, le monde est gris, terriblement gris. Le comble de la joie pour vous, c'est d'aller manger un sandwich dans un café dégueulasse (Après vous serez un peu malade). Et d'aller à la pêche pendant vos vacances (Quand il ne pleut pas). A la limite de violer et de tuer une jolie fille étrangère, pour vous divertir. Ou pour protester contre l'obscénité de tout cela. Ou sans raison. Surtout sans raison, en fait. Pour survivre, car on ne parle même pas de vivre, dans les années 60, dans le paradis suédois, il vous faut de la patience. Pour lire "Roseanna" aussi. Mais à la fin, vous serez récompensé. Je ne sais pas trop comment. Peut-être parce que vous allez pleurer un peu avec les personnages du livre. Ou au contraire parce que vous, au moins, vous ne pleurerez pas.
PS : Ce livre est le modèle absolu du polar scandinave, c'est un fait acquis. C'est aussi un "classique" moderne qu'il FAUT avoir lu. Mais bon, vous n'allez pas lire le bouquin divertissant du siècle : vous voilà prévenus. [Critique écrite en 2017]