Cet été j’ai eu un besoin, celui de lire des femmes et uniquement des femmes. Alors un beau jour à Gibert, je pris le premier livre d’autrice qui me tomba sous la main et je l’achetai: c’était Roses à crédit d’Elsa Triolet. Et quel coup de coeur.


Le début du roman est poétique et en demi-teinte: on suit les aventures de la petite Martine, née dans une cabane, entourée de rats. Dès son enfance, elle fait preuve d’un goût et d’une obsession pour les jolies choses, et elle est rêveuse. Très rêveuse. Son objet d’évasion favori? Daniel, le fils d'un rosiériste qu’elle élève au rang du fantasme. Quelques années plus tard, ils se retrouvent à Paris et ils tombent amoureux. Cependant, à mesure qu’ils vont s’aimer, toutes les nuances poétiques vont s’estomper: Martine s’aliène progressivement dans la consommation de masse, elle y donnera toute sa vie et s’y épuisera physiquement et psychologiquement.
Dès lors, Elsa Triolet fait glisser son récit vers la folie et vers l’affreux qui culmine dans les dernières pages. Son style est brillant car tout est en gradation, sa prose est forte et imagée. Le dynamisme des descriptions contribue à ce que l’on s’accroche à l’histoire; elles ne révolutionnent peut-être pas la littérature mais je les préfère mille fois aux descriptions statiques de Balzac, par exemple. De fait, plus Martine s’endette et plus le rythme s’intensifie, comme si le lecteur vivait à ses côtés, sa course consumériste obsessionnelle.Tout ceci met la relation de Martine et Daniel en danger. Le génie d’Elsa Triolet se renouvelle en ce qu’elle met des mots sur l’indicible (ou le « difficilement dicible »): la fatalité d’une passion, les mécanismes de pensée d’une aliénée, la dégradation mentale…


Le roman et son autrice méritent donc d’être acclamés. Roses à crédit est une spirale infernale et violente dans lequel le rôle de la littérature (celui de créer chez le lecteur une empathie profonde) est pleinement rempli. Quant à celle qui a tenu la plume, je pense qu’elle a éclairé l’origine de mon besoin d’autrices en me chuchotant une évidence: comme bien souvent, les femmes sont invisibilisées et ne sont pas reconnues à leurs justes valeurs. Ce fut le cas pour Elsa Triolet, écrivaine. Alors oui, il n’échappe peut-être pas aux aficionado-a-s de la poésie qu’elle fut la muse d’Aragon, celle qui lui inspira ses plus beaux vers (« A Elsa, chaque battement de mon coeur »); mais il faut retenir plus que ça. Avec Roses à crédit, on découvre une romancière à part entière, une femme à part entière et un génie à part entière.
Bilan: lisons plus, soit. Mais lisons plus, et surtout des femmes!

Jeannie_R
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le 7 oct. 2017

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Jeannie_R

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