Il commence à être loin, le temps où je découvrais les romans de Hermann Hesse. Quel ne fut pas mon plaisir lorsqu’en déambulant au milieu d’une librairie, je tombai sur une réédition de Rosshalde ! Non seulement je ne l’avais jamais lu, mais en plus j’allais découvrir son caractère unique dans l’œuvre de Hesse.
Quand j’étais une jeune pousse, cet écrivain m’a marqué avec des histoires initiatiques où les protagonistes quittaient leurs acquis afin de se reconstituer un héritage spirituel et pratique en traversant la vie hors des sentiers battus. Et Rosshalde, dans un certain sens, est la genèse de ces histoires.
Rosshalde est le nom d’un domaine allemand où vivent les personnages principaux : un peintre et sa femme, couple malheureux, et leur jeune enfant, précoce, rêveur, intelligent, sensible. Un ami du peintre, entre deux voyages, vient lui rendre visite, et découvre, en même temps que le lecteur,
dans quelle atmosphère de solitude et d’incurable sécheresse le mariage et l’existence entière de son ami avaient fini par sombrer.
Nul doute qu’Hermann Hesse s’inspire de sa propre expérience ayant lui-même, selon les biographes, vécu un mariage peu reluisant. Alors il nous raconte des choses qu’il est étonnant de trouver sous sa plume, toujours dans ce style romantique et cristallin. La séparation sans le divorce, la jalousie pour l’amour de l’enfant, le lourd silence entre les êtres. On trouve d’abord cela moins philosophique que ces autres romans, avant de comprendre que le mal-être de cette situation est la clé du départ dans l’œuvre de Hermann Hesse et qu’il la forge simplement dans un or plus autobiographique et « terre-à-terre » qu’à l’accoutumé. C’est pourquoi j’ai de l’affection pour ce livre, qui est loin d’être un Hermann Hesse majeur, mais qui reste tout de même unique. C’est beau, et les personnages, notamment l’enfant au destin dramatique, sont touchants et tangibles.