Si "Rouge-Gorge", troisième enquête de l'inspecteur Harry Høle surprend de prime abord, c'est que Nesbø opte ici pour une rupture brutale par rapport à ce qui faisait le sel des deux premiers livres de la série : exit l'exotisme et la découverte de pays et de cultures différentes, plus non plus d'écriture rock'n'roll ni de saillies humoristiques ou cyniques... Place à un (gros) roman classique qui permet à Nesbø d'explorer un pan particulièrement sombre de l'histoire norvégienne, celui de l'adhésion de jeunes norvégiens au nazisme, et surtout de nous offrir de superbes scènes mélodramatiques ou sentimentales qui tranchent avec la noirceur habituelle du genre. Le lecteur pressé devra passer son chemin ou s'armer de patience, la véritable partie policière de "Rouge-Gorge" ne s'engageant guère que dans le dernier tiers du livre, et étant par ailleurs résolue "à coups de serpe", toutes les réponses étant fournies de manière un peu "facile" par la lecture du "journal" du criminel ! On a envie de dire que, cette fois, Nesbø recherchait autre chose et n'était pas particulièrement motivé par l'idée de livrer à son public un polar scandinave "qui va bien" de plus ! Si l'on peut toutefois recommander la lecture de ce pavé de 600 pages à l'équilibre discutable, c'est que, outre son intérêt historique indéniable, il offre quand même diverses raisons de s'amuser : d'abord le recours culotté à la théorie des "personnalités multiples" - pas très loin de ce nous raconte Shyamalan dans son "Split" - pour ramener au réel le volet fantastique du récit, et ensuite l'impunité remarquable accordée au véritable "vilain" de l'histoire... Un impunité que l'on imagine quand même relative, et sans doute revisitée dans l'un des prochains livres de la série ! [Critique écrite en 2017]