Rue de la Sardine par Psmith
Steinbeck est sûrement l’auteur qui a le plus d’amour pour tous les parias et les rebuts de la société. Après Tortilla Flat où l’on suivait une bande d’ivrognes cherchant toujours un moyen de se procurer une nouvelle bouteille de rouge et n’ayant jamais aucun sou sur eux, on suit ici la bande de Mack, qui n’a rien à leur envier. La bande de Mack, ses gars comme il les appelle, composée de Hazel, Eddie, Hughie et Jones.
Mais ici ce n’est pas seulement ces personnages qu’on suit, c’est tous ceux de la rue de la Sardine : Doc, Lee Chong, Henry et bien d’autres. On découvre alors une rue de Monterey en Californie, son histoire, ses bons moments et ceux plus difficiles… Mais le centre de l’histoire ce sont eux, la bande de Mack, une bande de bons vivants, appréciant fortement l’alcool peu importe sa source et celui qui leur en rapportera sera toujours bien vu. C’est le cas d’Eddie par exemple qui en tant que remplaçant intérimaire du barman de La Ida se débrouille toujours pour ramener un mélange de toutes les gnôles laissées par les clients, et qui donc de ce fait, jouit d’un respect hors norme de la part de ses camarades. La débrouille c’est d’ailleurs le maître mot de ce petit groupe ; si Eddie possède son rôle de fournisseur, il n’est pas le seul à avoir un talent particulier à exploiter. Le leader Mack est le plus rusé, une véritable usine à mensonges capable d’attirer la sympathie et la pitié de son entourage, il sait également soigner un chien blessé et il a été également capable de faire un deal, plus ou moins honnête avec Lee Chong pour améliorer la condition de sa petite bande. Mais malgré leurs côtés voyous ivrognes, les gars ont quand même un cœur, et celui-ci est plein de reconnaissance envers le doc qui a su se montrer tant de fois bon avec la bande ou avec le reste de la rue. Le doc va même jusqu’à prêter de l’argent à Mack alors qu’il sait très bien que celui-ci lui ment éhontément. Il supporte même de longues conversations avec le costaud Hazel, bien qu’il réponde à ses nombreuses questions pour la vingtième fois, tout en sachant que celui-ci ne l’écoutera jamais vraiment. Les gars décident donc que ça serait quand même bien de pouvoir lui rendre la pareille, mais comment ? Doc a suffisamment d’alcool il habite en face chez Lee Chong, et il a aucun problème avec les donzelles. La bande à alors l’idée de lui organiser une soirée d’enfer, mais pour ça le problème, c’est qu’il faut de l’argent. La bande décide alors de se mettre au boulot.
Encore une fois ici Steinbeck nous propose une aventure humaine pleine de saveur et de rencontres. La rue de la Sardine est une rue banale de Californie, elle possède son bordel, tenu par une patronne au grand cœur qui n’hésite pas à envoyer ces filles réconforter les malades lors d’épidémie, son épicier intransigeant qui est le créancier de tous les habitants de la ville, ses fables, notamment celle d’un vieux chinois effrayant et ses drames. Le principal spectacle de la rue est celui d’un patineur tentant de battre le record du monde en tenant un maximum de temps à tourner sur une petite plateforme circulaire, la plupart des habitants viennent y jeter un coup d’œil puis l’oublient aussitôt, il n’y a que l’artiste Henry pour s’y intéresser et un curieux qui s’interroge sur les questions pratiques qu’entraîne ce record. On s’attache peu à peu à chaque occupant de la rue, et on la quitte après une scène incroyablement vivante, chaotique et jouissive. Encore une fois Steinbeck nous communique une joie de vivre hors du commun, sans pour autant tenter d’idéaliser ces personnages ou la Rue de la Sardine. On aime cette dernière pour cette simplicité honnête qui s’en dégage, et pour ses bons vivants qui s’en donnent à cœur joie.
Finissons par une très belle citation du Doc pour vous donner envie: « - Ce qui m’a toujours frappé, dit Doc, c’est que les choses que nous admirons le plus dans l’humain: la bonté, la générosité, l’honnêteté, la droiture, la sensibilité et la compréhension, ne sont que des éléments de faillite, dans le système où nous vivons. Et les traits que nous détestons: la dureté, l’apreté, la méchanceté, l’égoisme, l’intérêt purement personnel sont les éléments mêmes du succès. L’homme admire les vertus des uns et chérit les actions des autres. »