Pour ceux que la langue très travaillée de M.Pourchet effraie, celui-ci est pour vous. Dans un style naturel, très touchant, C.Dupond-Monod tisse autour de cette famille une histoire tragique.
Le début commence comme un conte, une histoire millénaire qui parle à notre inconscient collectif. On nomme l’enfant, « l’enfant », l’aîné, « l’aîné », comme on dirait la princesse ou le petit poucet. Le roman est découpé selon le point de vue des enfants, le plus grand d’abord, la cadette, puis le dernier. Ce qui est original, c’est que ce sont les pierres de la vallée qui racontent, donc leur point de vue est forcément parcellaire. Et le fait d’avoir ces différentes voix permet de traiter des différentes manières le handicap. L’abnégation pour l’aîné, la colère pour la cadette « Elle habitait un monde de végétal et de végétatif, les deux se confondaient, un monde d’arbres et d’enfant couché. », la possibilité d’une reconstruction avec le dernier.
Le livre parle avec ce dernier point de vue de transmission, de la manière dont on survit dans les mots, dans les habitudes des autres. Les deux premiers tiers sont très durs, le dernier est lumineux et apporte une touche d’espoir bienvenue. Quand on lit la fin, on a cette sensation de complétude, de boucle bouclée, d’apaisement (peut-être comme les personnages au même moment). Ce qui est bien, c’est qu’on commence avec le pire, mais que l’histoire s’adoucit (comme le temps qui passe). La dernière partie les montre cabossés, mais ils ont su s’adapter (d’où le titre).
Le langage de la nature
Cette nature cruelle qui condamne l’enfant, mais qui regorge de sources d’émerveillement pour lui et ses frères et sœurs. Ces pierres qui parlent, ces montagnes protectrices, évoquent l’animisme. On est à hauteur d’enfant, et on se concentre sur l’infiniment petit, sur l’essentiel : « C’était un langage de sens, de l’infime, une science du silence, quelque chose qu’on n’enseignait nulle part ailleurs. A enfant hors norme, savoir hors norme, pensait l’aîné. »
En très peu de pages, notre cœur se serre. On pense à la fameuse phrase que la légende attribue à Hemingway «À vendre : souliers de bébé, jamais portés». Ici, c’est aussi de cet ordre. La perte, le deuil, la peur, la colère, tant d’émotions qui nous prennent à la gorge au fil des pages.
Comme je disais dans un commentaire pour Feu, j’hésite pour l’instant entre ces deux romans. Le style ou l’émotion ? Difficile de trancher. Pour l’instant, j’ai donné de l’avance à celui de M.Pourchet car je n’ai jamais lu une écriture semblable, mais si S’adapter gagnait le prix, je n’en serais pas étonnée non plus.