Oui, il est bien question d’adaptation dès le départ. Même pour le lecteur. S’adapter d’abord à un angle de narration déroutant, inattendu. Car ce sont les pierres, les pierres de la cour de la maison familiale qui vont raconter l’histoire d’une famille cévenole. Les pierres sont le socle immuable à travers le temps qui passe. S’adapter ensuite à un récit sans prénom, qui parle surtout de la fratrie en désignant l’aîné, la cadette, l’enfant, le dernier. Dans cette prose impersonnelle se glisse avec facilité le décor rude de la vie dans les Cévennes. Et rien n’est anodin. Car dans cet environnement, la vie animale et végétale, les sons, les goûts, les odeurs et les couleurs font corps avec les vies des humains.
C’est une histoire intime pourtant. Une famille ordinaire confrontée à une situation difficile et contrainte de s’adapter. Chacun réagit à sa façon, face à l’inconnu, et avec sa propre blessure. On va trouver alors de la justesse et de la délicatesse, de la violence et du rejet, du désir de réparation… Dans cette prose descriptive, si proche de la nature et des émotions, transparaît une vraie poésie.
Sans oser le dire, c’est l’envie de garder ou de recréer un lien familial qui est au cœur du processus d’adaptation, c’est cet amour intra-familial qui permet à chacun de tendre vers un apaisement. Cette famille sans nom devient une galerie de portraits universels qui vient toucher le lecteur presque par surprise.