Tout ayant déjà été dit sur ce remarquable roman en partie autobiographique, pourquoi ne pas tenter d'être original en commençant par sa conclusion avec ces mots de la mère de famille sur ses quatre enfants ? "Un blessé, une frondeuse, un inadapté et un sorcier. Joli travail."
Jamais nommés que par leur place dans la fatrie qui donne le titre aux trois chapitres du livre, "L'aîné", "La cadette" et "Le dernier", les frères et la soeur de l'enfant "inadapté" posent chacun sur lui un regard différent, diamétralement opposés pour les deux premiers qui l'ont connu jusqu'à sa mort à l'âge de dix ans, tout en questionnements pour le troisième qui ne l'a pas connu.
Agé de neuf ans à l'arrivée dans la famille de ce petit frère qui ne voit pas, qui ne parle pas, au corps inerte, et dont les seuls sens fonctionnels sont l'ouïe et le toucher, l'aîné entre dans une relation si fusionnelle avec lui qu'elle le coupe de l'extérieur, ce sera lui le blessé.
Quant à la cadette, "plus l'enfant grandissait, plus il la dégoûtait". Non seulement il lui fait honte honte mais il lui inspire de la jalousie, lui qui lui a confisqué son frère aîné en même temps qu'il privait ses parents de joie. Ce sera elle la frondeuse.
Né dans l'ombre de son frère disparu, le dernier le fait revivre en faisant de lui son compagnon fantôme dont il apprend qu'il faut "fermer les yeux pour mieux voir". Doté d'une sensibilité extrême et très proche de la nature, c'est lui que la cadette nomme "mon petit sorcier".
Ayant elle-même vécu avec un frère handicapé et décédé très jeune, Clara Dupont-Monod a écrit dans un style brillant un roman riche en observations et en réflexions sur un sujet complexe, comme le montre la diversité des points de vue exposés.