Avec Sabotage se termine la trilogie d'Arturo Pérez-Reverte consacrée à la guerre d'Espagne, à travers le personnage de Falcó, un splendide salaud aux ordres des franquistes, plus par opportunisme que par conviction politique. Ce troisième volet est le plus réussi, non qu'il change la donne sur son héros, toujours aussi macho, cynique et jouisseur, mais aussi "petit garçon" quand il rencontre son supérieur hiérarchique. Falcó est une caricature de la virilité incarnée et Pérez-Reverte s'amuse beaucoup à le dépeindre dans toute sa détestable morgue et sa séduction canaille, un portrait à prendre au dixième degré évidemment pour celui qui relèguerait San Antonio, SAS et James Bond au rang de féministes. Au-delà, Sabotage est une peinture très vivante du Paris de 1937, juste avant L'exposition universelle, avec un luxe de détails toponymiques que ne renierait pas un Modiano. Entre personnages identifiés (Pablo Picasso, Marlene Dietrich) ou évoqués sous un nom d'emprunt (Malraux, Hemingway, Lee Miller, etc), l'auteur joue avec le lecteur, panachant les scènes d'action et de sexe (pas ce qu'il y a de mieux) avec une ronde d'espions de tous poils, fascistes et communistes en tête, qui tissent leur toile sur fond de guerre civile espagnole, plaçant leurs pions avant la grande conflagration à venir. De cette époque trouble, le romancier tire la quintessence dans une farandole où danse cet individu peu recommandable qu'est Falcó, symbole d'une époque délétère et pervertie où les intérêts particuliers et égoïstes rejoignent les courants de pensée les plus haïssables. C'est sans doute une façon de voir l'Histoire par le petit bout de la lorgnette mais il faut bien du talent pour en faire quelque chose de ludique et d'addictif. Pour un roman plus ambitieux et "sérieux", il suffit d'attendre le prochain livre d'Arturo Pérez-Reverte qui n'a plus rien à prouver dans le monde littéraire.

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le 3 nov. 2020

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