Delenda Est
Décidément Flaubert est notre Bartleby à nous, romancier qui toute sa vie clama muettement qu’il préfèrerait ne pas. Chaque livre, on dirait qu’il ne le fait que pour prouver qu’il aurait mieux valut...
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Aïe, aïe, aïe, j'enchaîne les déceptions et je crains, dans le cas de "Salammbô", de ne pas rendre justice au talent de Gustave Flaubert. Avec ce roman historique qui se situe à l'issue des guerres puniques alors que Carthage la puissante doit faire face au mécontentement de ses mercenaires qu'elle ne récompense pas à la hauteur de ses promesses, l'auteur de "Madame Bovary" nous transporte dans un roman historique flamboyant, un péplum digne d'une superproduction de Cecil B. DeMille.
En pleine période orientaliste, Flaubert nous sert sur un plateau de cuivre étincelant serti de gemmes un "Orient" fantasmé, héroïsé, érotisé, aux prétentions mythologiques. Les décors sont grandioses, les sentiments exacerbés, la spiritualité exaltée et la guerre sacralisée en un grand holocauste purificateur.
D'ailleurs, Salammbô, vierge prêtresse hiératique, est le vivant symbole de la prépondérance de la beauté et de la vertu sur la sauvagerie et la barbarie mercenaire. A l'opposé, Mâtho le guerrier libyen, symbolise la force brute, la soif virile de pouvoir, l'ange exterminateur de la corruption et de l'injustice d'une cité gâtée par sa puissance. Tout l'environnement du roman - personnages, décors, événements, trame narrative - est pictural à souhait, on s'y voit, on se projette corporellement dans l'histoire. Et pourtant, je suis déçue.
Déçue parce que ce maniérisme désincarne les personnages, les rend inaccessibles, non-humains, déifiés ou diabolisés. Et là où, comme d'autres lecteurs, j'attendais une fulgurante histoire d'amour entre deux êtres que tout oppose, j'ai eu le droit à presque 500 pages de scènes de batailles et de tueries. Alors, oui, ça en remontrerait à Tolkien et il y a dans la description des conflits, notamment par l'usage des éléphants de combat, matière à héroïsme et à exaltation mais trop c'est trop. Pour moi cet aspect du roman a vraiment occulté tout le reste au point que mon chapitre préféré a été celui d'introduction où Flaubert imagine un banquet antique haut en couleurs ; la suite m'a hélas désintéressée et lassée.
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Créée
le 3 août 2022
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