"Sanditon" est un roman inachevé de Jane Austen qui a été mené au dénouement par "une autre dame", un auteur inconnu ayant relevé le défi périlleux d'en imaginer les deux tiers restants.
Pour tout fervent lecteur et admirateur de miss Austen, se confronter à "Sanditon" est un coup de poker. A la clé, seules deux possibilités : la réussite ou le désastre. En ce qui me concerne, la mission est couronnée de succès.
Pour commencer, c'est avec une réelle humilité que l'auteur inconnu a abordé son travail d'écriture. Très bien documentée, c'est une fine connaisseuse de l'oeuvre du maître dont elle a analysé avec rigueur les techniques narratives (elle s'en explique d'ailleurs brièvement dans une postface aussi sincère que touchante). C'est grâce à ce travail préparatoire qu'elle a pu se lancer dans cette aventure incroyable d'imaginer le septième roman de Jane Austen tel que Jane Austen l'aurait sans doute elle-même imaginé (preuves à l'appui). Et pour témoigner du succès de son entreprise, jevous avouerai ne pas avoir distingué la césure entre le tiers écrit par Jane Austen et la suite écrite par "l'autre dame".
Sanditon est une petite bourgade de la côte sud de l'Angleterre qui nourrit des prétentions à briller comme la dernière station balnéaire à la mode. A une époque où les classes privilégiées avaient coutume de "prendre les eaux" dans les villes thermales, les bains de mer commençaient à offrir une concurrence sérieuse. A l'instar de Brighton, de Peacehaven, de Bournemouth et de tant d'autres sites, Sanditon travaille donc à son attractivité. Le plus zélé de ses contributeurs est Mr Parker, notable dont la confortable fortune permet investissements et extravagances de toutes sortes. Et c'est justement chez Mr Parker que nous découvrons notre héroïne : Charlotte. Doté du bon sens d'une Elizabeth Bennet, du charme d'une Katherine Morland et de la patience d'une Ann Elliot, Charlotte fait successivement la connaissance des habitants permanents de Sanditon comme celle de ses habitants saisonniers dont la villégiature ne manque pas de rebondissements romanesques.
Se replonger dans un "nouveau" roman de Jane Austen a une saveur toute particulière faite de la nostalgie des oeuvres déjà lues (et relues) et de l'excitation que ne manque pas de susciter la destinée d'une héroïne aussi attachante qu'intelligente. Un moment de lecture très plaisant pendant lequel on s'instruit beaucoup sur les us et coutumes de la bourgeoisie en ce début de XIXème siècle.