Peu font la guerre, mais tous ont des blessures [Critique sans spoils]

Sixième ouvrage écrit par Tom Clancy mais premier dans l'ordre de la série Jack Ryan, Sans aucun remords met à l'honneur John Clark, un ex membre des forces spéciales de la marine américaine, habituel personnage secondaire de la série Jack Ryan.

C'est donc la jeunesse de cette homme que l'on explore, plus précisément l'année de ses vingt-sept ans, avec quelques flashbacks. A vingt-sept ans, après quelques missions au Viet-Nam, John Kelly a quitté la marine et est expert en démolition de structures sous-marines civiles. Sa femme meurt dans un accident de voiture : le voilà à la dérive, sans but dans la vie. Sa rencontre avec une jeune autostoppeuse va le plonger dans la découverte des milieux de la drogue, tandis que la CIA a besoin de lui pour libérer des prisonniers américains emprisonnés dans un camp secret au Viet-Nam.

Tom Clancy est l'un des fondateurs du techno-thriller. Mais sur ce roman précisément, il nous fait relativement grâce du côté techno pour accentuer le côté thriller. Les amateurs du genre seront peut-être déçus, le roman gagne cependant en fluidité. Un roman à réserver aux âmes aguerries toutefois, l'auteur faisant une description détaillée de tortures et joyeusetés sexuelles.

Mais le point fort de ce roman, incontestablement, c'est la psychologie qui est amenée. Bon, autant le dire tout de suite : Tom Clancy est américain, le monde est donc assez simpliste. Les soldats sont là pour faire la guerre, la guerre est nécessaire, les diplomates et ceux qui prêchent la paix sont des hippies idéalistes. Amis pacifistes, passez votre chemin, on met en valeur le guerrier un brin machiste. Et puis il y a la guerre froide, pour laquelle Tom Clancy semble avoir une certaine tendresse. Les Russes sont les ennemis, mais ce sont des ennemis connus, avec lesquels on peut jouer, qui connaissent et respectent les règles du jeu. Ils ne sont pas si différents des Américains, en fin de compte.

Cela nous vaut une galerie de personnages hauts en couleur, l'ex membre des forces spéciales à qui on a appris à tuer mais qui s'interroge sur les limites de la vengeance, l'infirmière qui passe ses journées à sauver des vies et qui se retrouve face à un meurtrier, le pilote de bombardier qui va jusqu'aux limites de ses faiblesses, l'interrogateur russe qui se prend d'amitié pour son prisonnier, les diplomates idéalistes jusqu'à la trahison, les amiraux désabusés par leur époque... Le monde de Tom Clancy est simple, mais l'individualité est complexe, et ce sont ces tréfonds qu'il observe et commente en prenant son temps : plus de 600 pages en version de poche. Un pavé ? Certes. Mais cela lui permet de poser ses personnages et de prendre le temps de les développer. Un interrogatoire, une trahison ne se font pas en quelques pages. Comprendre les hommes et leurs actes, voilà ce en quoi excelle Tom Clancy.

Reconnaissons-lui enfin un mérite : ses héros sont humains et doivent prendre des décisions difficiles. On n'est pas dans le cliché du super-héros américain qui stoppe la bombe à T-3. Les meilleurs plans ont des failles, et les héros doivent parfois renoncer.

Alors Sans aucun remords n'est pas un roman parfait, on n'échappe pas à quelques petites facilités ici ou là, mais par ses qualités psychologiques il se classe dans le haut du panier des thrillers. Je n'ai que deux mots à dire :

Bonne lecture.