Déjà, je ne vois pas trop l’intérêt de cette critique. Le bouquin possède un large bandeau intitulé « Sherlock Holmes contre Jack L’éventreur », ça donne le ton. Juste avec cette accroche une grande partie du lectorat peut savoir s’il veut lire un remake de Conan Doyle ou pas. Beaucoup seront rebutés par de nouvelles aventures de l’ancêtre des détectives flanqué de son comparse le docteur Watson.
La question serait alors de déterminer à qui s’adresse vraiment ce livre. A la poignée de ripperophiles à la recherche d’une nouvelle théorie sur leur tueur en série préféré ? Aux amateurs de polars historiques mâtinés de fiction ?
D’emblée on serait tenté de répondre qu’il s’agit peut être d’un énième coup marketing dans la lignée des bouquins : Freud enquêteur, Kant détective, etc. Pour autant, Sherlock Holmes a déjà fait les frais d’adaptions libres (cf. l’excellent Caleb Carr dans le très moyen « Le secrétaire italien », Éditions Presses de la Cité, 2006) et Jack l’Eventreur est une ressource inépuisable pour les auteurs plus ou moins inspirés. De surcroît, la rencontre entre Jack et Holmes a déjà été produite au cinéma et en littérature (Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur, d’Ellery Queen en 1966). Alors, ce livre arrive-t-il à se distinguer des précédentes productions ?
Pas vraiment, pour plusieurs raisons.
Premièrement, Bob Garcia en voulant confronter Sherlock à Jack l’éventreur tombe dans une impasse narrative majeure. Ce dernier doit commettre cinq meurtres, puis mettre fin à sa carrière de manière mystérieuse. Le problème, c’est qu’en attendant notre détective doit patienter. Alors pendant deux tiers du bouquin, l’auteur remplit les vides, Watson accueille une jeune orpheline, il fait des cauchemars, fume la pipe, Holmes fait des expériences de chimie amusante, ils interrogent quelques suspects, nous font découvrir Whitechapel. Ca fait très interlude.
Deuxièmement pour les puristes de Holmes, ils ne peuvent qu’être déçu. Malgré le respect du style sobre, l’écriture à la première personne de Watson, les références aux autres aventures, Bob Garcia rajoute une scène de sexe (outrage !). Surtout, Holmes ne paraît pas trop intelligent. Ses observations ne sont pas pertinentes. Ses déductions tardent à venir, principalement pour la raison évoqué en amont : ils ne peuvent rien faire tant que Jack n’a pas finit ses « jeux ». Il me semble que l’unique intérêt de ce genre de roman réside justement dans la personnalité d’Holmes…
Troisièmement, les ripperophiles ou les simples amateurs de Jack n’auront pas leur curiosité sastifaite. Si l’auteur ne part pas sur des théories fumeuses du complot de la reine (cf. la BD From Hell), du peintre psychopathe (cf. Patricia Cornwell dans le livre le plus mal écrit au monde « Jack l’éventreur, affaire classée »)… Il ne cherche pas à fonder sa propre mythologie du personnage. Tout est réduit à une simple enquête « policière », sans montrer l’impact de Jack sur cette société, l’importance de la couverture de presse qui a créé la légende, des crimes qui témoignent d’une lutte des classes sourde mais violente, le premier serial killer moderne, etc.
Au final, on a un roman policier policé, qui n’écorne pas les figures qu’il aborde. Cette absence de risque nuit à l’ensemble de l’entreprise. Cette facture classique imposée (crimes, enquête qui piétine et révélations finales) ne fonctionne pas. A l’exemple de la petite Wendy, petite fille des rues accueillie par Watson, immolée pour la cause, reste un personnage qui pue le remplissage, la figure mélodramatique de la vierge sacrifiée, caricaturale car inutile.
Tel Holmes dépourvu de sa sagacité, Jack, trop en fond, qui ne fait pas peur, Watson qui s’embourbe dans ses atermoiements sans fins… Le livre s’autodétruit à la lecture, car il est issu d’un projet qui aurait dû avorter dans l’œuf. Jack et Holmes n’avaient pas à se rencontrer.