1981, Glasgow. Le petit Shuggie Bain est le fruit du second mariage de la flamboyante Agnes avec Shug Bain. Cette union, électrique, provoquera la descente aux enfers de toute une famille ; quand Shug arpente les rues dans son taxi noir à la recherche de nouvelles conquêtes, Agnes sombre dans la bouteille. Ses enfants, ses parents chez qui le couple vit, personne n'arrive à lui faire perdre l'habitude de caler des Special Brew dès le déjeuner puis de passer ses soirées au téléphone à harceler la centrale de taxi. Quand ils quittent les tours de Sighthill pour une maison à Pithead, tous croient à un nouveau départ, mais tout comme les mineurs au chômage de la ville dans laquelle ils emménagent, ils n'ont pas fini de toucher le fond. Et au milieu de la tempête, imperturbable, Shuggie voue un amour inconditionnel à sa mère. Alors qu'il se prend à rêver d'une famille et d'une vie normale, les autres garçons commencent à remarquer sa différence... non, rien ne sera jamais normal pour Shuggie.
Shuggie Bain a remporté le Booker Prize en 2020. Une récompense méritée pour ce roman dense qui brosse le portrait d'une famille modeste de Glasgow des années 80 à 90. Ici, la ville est un personnage à part entière. Sighthill et ses immenses tours abandonnées qui surplombent la rivière Clyde, le centre-ville et ses rues sombres, malodorantes et bruyantes, puis sa banlieue ouvrière, où les mines, dans les années 80, fermaient l'une après l'autre. Mais c'est surtout l'histoire d'Agnes et de Shuggie, de leur relation fusionnelle, et de l'impact que l'addiction peut avoir sur toute une famille. Douglas Stuart ne ménage pas son lecteur ; si son style imagé et son humour grinçant allègent un peu le roman, le propos est terriblement cru. Pas de cache-misère, l'auteur nous expose tout. Ça soulève parfois le coeur, ça donne (très souvent) les larmes aux yeux. Mais c'est aussi à ça qu'on reconnaît un bon roman : quand ça prend aux tripes. Et Shuggie Bain, ça vous remue sévère, puis ça vous hante ensuite. On le compare aux Cendres d'Angela ou à Trainspotting, et à raison. De grands romans auxquels il mérite amplement d'être comparé. Et un jour, on comparera une nouvelle pépite à Shuggie Bain.