Shutter Island par Gwen21
***ALERT SPOILER***
- Votre Honneur, nous avons ici deux pièces à conviction qui prouvent que Gwen21 avait bel et bien réuni toutes les conditions pour apprécier la lecture de Shutter Island. Si vous me permettez…
Pièce à conviction #1
Check-list d’avant lecture
Objectif 1 : se procurer le polar -> fait, emprunté à ManU17
Objectif 2 : lecture exclusive pour rester concentrée -> autres livres bannis dans les geôles de la PAL. Double vérification des cadenas -> ok
Objectif 3 : lire le soir, détendue, à la faible lueur d’une veilleuse, dans une maison silencieuse -> je risque l’insomnie mais tant pis, ça fait trop longtemps que j’attends de lire mon premier Lehane !
Pièce à conviction #2
Recette de la mayonnaise maison
Mélangez le jaune d'oeuf, un peu de sel, poivre, la moutarde et le vinaigre. Fouetter en versant peu à peu l'huile, la mayonnaise doit peu à peu épaissir.
Votre Honneur, vous conviendrez qu’une telle préparation indique sans qu’il soit permis d’en douter que ma cliente est innocente du crime dont elle est accusée, à savoir ne pas avoir pleinement apprécié la lecture de Shutter Island, le plus célèbre polar de Mr Dennis Lehane. Par conséquent, nous plaidons « non coupable », votre Honneur.
- Merci, maître. La parole à l’accusée. Accusée, levez-vous au lieu de vous tenir ridiculement tassée sur votre banc. L’heure est grave. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
- Votre Honneur !
- Maître ?
- Je me permets d’intervenir, songez qu’en s’exprimant ma cliente va s’exposer à l’incompréhension de la plupart de ses concitoyens et ami-lecteurs voire à leur opprobre.
- Accusée, levez-vous et parlez !
- Votre Honneur, j’ai pleinement conscience qu’en émettant un avis mitigé sur une œuvre aussi applaudie par les amateurs de polars et par la presse internationale je risque de perdre beaucoup de ma crédibilité, ce n’est pas rien… Tout a commencé il y a plusieurs mois quand j’ai découvert qu’il existait un écrivain nommé Dennis Lehane ; cette découverte fut fortuite, c’est l’avatar d’un lecteur, lehane-fan, qui a attisé ma curiosité et étant très curieuse par nature, j’ai voulu en avoir le cœur net ! Je me suis donc procuré Shutter Island lors d’une transaction parfaitement légale, votre Honneur.
- Pouvez-vous expliquer à la Cour ce qu’il s’est passé ensuite ?
- Tout de suite votre Honneur. J’ai commencé ma lecture ; j’avoue que le style de l’auteur m’a quelque peu déboussolée au départ, je manquais d’éléments pour me représenter le marshal Teddy Daniels, son âge, ses traits, etc… mais ça n’a pas véritablement gêné ma lecture. Tous les ingrédients pour créer une ambiance glauque et oppressante étaient bien réunis : une île, une tempête, un peuple de savants-fous en blouse blanche, un asile de criminels aliénés, une patiente psychopathe évadée… bref, j’étais confiante, votre Honneur. Hélas, tout a commencé à aller de travers quand j’ai compris 100 pages avant le moment où il fallait le comprendre qui était le fameux… patient 67.
- Poursuivez.
- Là-dessus, j’ai fait un faux pas, je l’avoue, j’ai découvert qu’il existait une adaptation cinématographique du polar.
- Vous l’ignoriez vraiment ? Vous vivez dans une grotte ?
- Tout juste, votre Honneur, dans un lieu reculé de la campagne bourguignonne.
- Poursuivez votre défense.
- Jamais l’idée de regarder ce film ne m’a traversée l’esprit votre Honneur, je le jure ! Mais je suis curieuse, j’ai voulu savoir qui incarnait le marshal et quand j’ai découvert que c’était Di Caprio, une faille irrémédiable s’est produite en moi car même avec le peu d’éléments fournis par l’auteur sur son enquêteur, jamais, votre Honneur, JAMAIS je ne lui aurais donné les traits de ce minet imberbe ! Et après… après, votre Honneur, plus moyen de m’ôter de la tête la face de premier de classe de cet acteur, ça a gravement nui à la suite de ma lecture, c’est une circonstance atténuante !
- Mais vous avez quand même frémi, eu peur, non ?
- A peine, je le déplore. Faut vous dire aussi que je ne le sentais pas moi, ce Chuck qui n’arrive même pas à retirer son arme de son étui. La vérité, votre Honneur, c’est que pas à un seul moment j’ai eu la sensation d’être absorbée par la lecture, happée, frémissante et haletante, avec la perception très nette que quelqu’un m’observait dans l’obscurité de ma chambre, rampait jusqu’à ma couette et allait surgir devant moi armé d’une arme blanche pour me trucider. Tout ça, je l’ai parfaitement ressenti en lisant le Chuchoteur de Donato Carrisi, je PEUX le ressentir ! mais avec Shutter Island, hélas, rien de tout cela… Votre Honneur, je reconnais que l’ambiance est plutôt bien rendue mais le rythme de l’action est lent avec quelques éclats disséminés ici ou là…
- Concluez, vous épuisez la patience de ce tribunal, madame !
- Je suis navrée, votre Honneur, et vous mesdames et messieurs les jurés, de vous affliger. En conclusion, je peux affirmer que je ne me suis pas ennuyée et que ce n’est pas une mauvais lecture, loin de là, mais je crains fort de devoir contredire un de mes autres ami-lecteurs, Eric75019, car j’ai la certitude de vite oublier Shutter Island…
(Huées virulentes de l’assemblée)
- Accusée !
- Oui, votre Honneur ?
- Par ces aveux complets vous m’incitez à la clémence. Je vous condamne à lire dans l’année « Un dernier verre avant la guerre » pour rendre justice au talent de Mr Dennis Lehane.
- Ce n’est que justice et je m’acquitterai de cette condamnation, votre Honneur, avec plaisir car je déteste l’échec et je suis persévérante.