Livre atypique s'il en est, Si je t'oublie Jérusalem reprend toutefois le style si particulier de William Faulkner, grand explorateur du style dans la littérature s'il en est.
Atypique car le roman est l'entrecroisement de 2 nouvelles (Les palmiers sauvages qui ont donné initialement le nom à la traduction française et Le vieux père).
Pour autant les chapitres s'enchainent sans que le lecteur se perde entre les 2 histoires qui sont connectées plus par leur sens commun que par l'unicité de lieu (les rives du Mississippi).
Si fidèle à ce que l'écrivain américain a écrit par ailleurs car :
- dans la mouvance d'un Marcel Proust ou d'une Virginia Woolf, les phrases s'étirent, dérivent d'une idée à une autre sans ponctuation et nous propose un long fleuve fait de remous d'ambiance et d'odeur palpables ;
- les 2 histoires nous emmènent sur les rives du Mississippi natal de l'auteur (plus marginalement dans l'Utah et dans l'Illinois), noyées sous la chaleur moite des espaces de la négritude américaine qui lutte inlassablement entre l'abolition virtuelle de l'esclavagisme et l'abolition de la ségrégation future ;
- les anti héros sont maudits, empêtrés dans une réalité sordide qui les enferme dans leur condition et leur destin funeste. De la même manière qu'Absalon ! Absalon ! vouait une famille damnée à l'autodestruction et constituait un anti Autant en emporte le vent, Si je t'oublie Jérusalem rappelle qu'il n'existe pas d'espaces de liberté pour ceux qui sont nés dans la misère (économique ou culturelle).
Bref, le roman de Faulkner constitue un chant du cygne pour le couple d'amants des Palmiers sauvages comme pour le grand forçat du Vieux père, et au-delà pour tous les habitants des rives de ce "Vieux père" - surnom du fleuve Mississippi - qui se trouvent ainsi enfermés inéluctablement dans leur condition.