Silo
7.3
Silo

livre de Hugh Howey (2012)

L'auteur de Silo a vraiment un grain...

Tout d'abord, je tiens à faire mes excuses pour le jeu de mots pitoyable du titre de ma critique, mais c'était trop tentant. Et il faut quand même en avoir un coup dans le casque pour inventer un univers pareil.

Silo, ou le livre qui me laisse perplexe plusieurs jours (semaines?) après l'avoir terminé. Replaçons un peu le contexte : un univers post-apocalyptique, l'air dehors est irrespirable, ce qui reste de la population vit dans un silo de cent quarante quatre étages planté dans la terre comme une énorme carotte. Bien sûr, comme toutes les sociétés post-apocalyptiques, celle-ci est faite de règles strictes qui touchent à la sacro-sainte liberté de penser, parmi lesquelles l'interdiction de vouloir sortir. Mais ce bon vieux shérif (ben oui, on est en Amérique pardi !), qui peine à se remettre de la mort de sa dulcinée, survenue trois ans auparavant, a décidé qu'il voulait mettre le nez dehors. Et c'est là que l'intéressante particularité de cette société apparaît : on ne punit pas ceux qui veulent sortir, non. On les y autorise. Ils commencent par nettoyer les écrans des caméras qui montrent à nos chers enfermés que le monde extérieur est bel et bien mort (j'ai failli ajouter "enterré et bouffé par les vers" comme dirait ma mère, mais en l'occurrence, ce sont les vivants qui sont sous terre). Et ensuite, eh bien ils meurent. Pas faute de leur avoir dit pourtant. Et maintenant que notre cher shérif est allé siffler là-haut sur la colline, il faut trouver quelqu'un d'autre pour le job, mais la jeune première nominée pour le poste ne va pas plaire à tout le monde, et cela va, évidemment, déclencher la révolte inhérente aux romans d'anticipation post-apocalyptiques (ce mot est long et chiant à écrire, et c'est déjà la troisième fois...).

Bien que ce début semble prometteur, j'avoue que j'ai eu de mal à me « mettre dedans ». La première partie, ressemble à un tout autre roman que celui qui suit. Et il semble que ce soit une nouvelle mise en ligne qui a inspiré le reste de l'histoire, j'imagine donc que c'est de cela qu'il s'agit. Et ce qui est le plus étrange, c'est que si j'ai eu du mal avec cette entrée en matière, rétrospectivement, je me dis que c'est la partie du livre la plus aboutie, et la meilleure. Quand je parle d'aboutissement, c'est aussi parce que le début de Silo est la fin d'une autre histoire, celle du shérif Holston. Or, c'est son histoire que j'aurais voulu connaître, mais pas seulement la fin (c'est sans doute ce qui a gêné ma lecture), je voulais aussi en connaître les tenants.

Passée cette difficulté, j'ai rencontré les autres personnages. La maire, Jahns. Et l'adjoint du shérif je-ne-sais-plus-quoi. Je vais passer pour une intolérante voire pire, mais j'ai du mal avec les histoires d'amour entre grabataires. Je ne vais pas dire que je trouve ça dégueulasse, même si c'est un peu vrai. Mais surtout, c'était niais, mon dieu que c'était niais. On tombe dans un ridicule pathétique. Alors oui, je sais, les histoires d'amour hors mariage sont interdites dans le silo, bla bla bla. Mais la mamie qui frémit à l'idée de tenir la vieille main de l'autre, franchement, ça m'a plus fait rire qu'autre chose.
Et c'est un des principaux problèmes de tout le livre : tout ce qui est censé nous émouvoir est pénible. On continue avec l'héroïne, Juliette. Tout est supposé nous faire l'aimer, tout est fait pour la rendre attachante : elle a perdu sa mère, elle ne parle plus à papa, elle est bosseuse, elle est belle et bien sûr tous les hommes sont un peu amoureux d'elle, mais le seul qu'elle ait jamais aimé, en plus d'avoir été un amour illégal, est mort. Et pourtant, on ne l'aime pas tant que ça, cette fille. Ce n'est même pas de la jalousie envers little miss perfect, mais elle ne parvient pas a être attachante. Aucun des personnages ne l'est vraiment. Le pire est peut-être Lukas. C'est un petit garçon dans un corps d'homme ou presque. Il est insupportable. Il n'a aucune volonté, il n'est convaincu ni du bien ni du mal mais se laisse influencer par tout le monde, sans jamais avoir de but propre. Et en plus, il n'a pas résolu son Oedipe. Bref, il s'agit là d'une galerie de personnages qui, soit agacent, soit laissent indifférent (aka tous les persos secondaires). Quant aux enfants des derniers chapitres, ils sont carrément dérangeants et m'ont laissé une impression étrange.

A côté de ça, le style de l'auteur est assez faible (vive l'auto-publication !). Actes Sud nous avait habitués à mieux quand même ; pour le premier titre d'une nouvelle collection, on aurait pu s'attendre à un peu plus d'efforts. Je l'ai déjà dit, l'édition n'est plus ce qu'elle était, et je fais peut-être une mono-obsession sur les fautes d'orthographe, mais là, il y a du laisser-aller dans l'air. À côté de ça, on a droit à des phrases pas très bien construites. Quand je lis un roman, je n'ai pas envie de bloquer sur une phrase en me demandant ce qui cloche, et de quelle manière elle aurait pu être tournée pour être plus fluide et ne pas me gêner dans ma lecture. J'aimerais bien jeter un coup d'oeil à la version originale pour vérifier si la traduction a empiré les choses ou les a arrangées. Mais je ne suis pas sure d'avoir une bonne surprise...

Malgré tout, j'ai mis 6. Et j'ai une bonne raison. Ce roman, malgré ses nombreux défauts et un démarrage un peu lent, a finalement réussi à m'entraîner. C'est bien simple, à la fin, je n'en pouvais plus. Je ne lisais pas assez vite pour ma propre impatience. L'alternance des points du vue des personnages me rendait nerveuse, et j'étais même assez en colère contre l'auteur de nous faire attendre encore pour avoir la suite des événements. Le suspense était haletant. J'aurais voulu savoir ce qui se passait de tous les côtés en même temps. Peu de romans sont aussi prenants.
J'hésite à lire la suite. Il n'y a pas de date de sortie prévue pour le deuxième tome de la saga, et je me demande déjà si je le lirai ou non. J'ai envie de savoir la suite, et je me l'imagine déjà, mais sur la forme, trop de choses m'ont gênée, et cela gâche mon plaisir de lecture. J'ai encore le temps de réfléchir, la suite au prochain épisode comme on dit !
marquise
6
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le 8 déc. 2013

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marquise

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